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Médecine de catastrophe

Il semble qu’il faille s’attendre à une nette augmentation des catastrophes, naturelles ou d’origine humaine, notamment en raison du réchauffement climatique (action néfaste de l’homme sur la nature).

Par ailleurs, le terrorisme est une réalité appelée à devenir pérenne, ce qui amène les médecins civils à découvrir l’horreur de la médecine de guerre, naguère réservée aux militaires.


On sait depuis longtemps que bien des progrès médicaux sont à mettre à l’actif des médecins militaires, et l’on pense à l’essor de la chirurgie réparatrice à l’occasion de la Première Guerre mondiale. Mais il était inédit, jusqu’aux attentats récents,  que la médecine de guerre devienne une réalité pour les médecins et les soignants civils.

Il convient donc de connaître la médecine de catastrophe et la médecine de guerre, et de se préparer à les exercer quand l’occasion se présentera.


Catastrophes

Le mot catastrophe désigne les dommages causés par un phénomène brutal, durable ou intense d’origine naturelle ou humaine.

Il existe plusieurs sortes de catastrophes, avec, en premier lieu, des catastrophes naturelles, dues à l’énergie libérée par l’un des quatre éléments naturels bien connus que sont l’eau, l’air, la terre et le feu ; en deuxième lieu, des catastrophes accidentelles et technologiques, liées à l’énergie domestiquée par l’homme et aux réalisations humaines ; et en dernier lieu, des catastrophes sociologiques.

1. Catastrophes naturelles

Catastrophes hydriques : inondation, raz de marée et tsunami…

Catastrophes climatiques : tempête sous toutes ses dénominations selon la zone géographique (cyclone, ouragan, typhon) ; tornade ; vague de froid ou de sécheresse…

Catastrophes géologiques : avalanche, éruption volcanique,  glissement de terrain, tremblement de terre…

Feux de forêt et incendies.

2. Catastrophes accidentelles et technologiques

Catastrophes accidentelles, liées au transport (aérien, maritime ou terrestre) des personnes et des marchandises, ainsi qu’aux habitations abritant de nombreuses personnes.

Catastrophes technologiques : elles peuvent être en rapport avec l’extraction des matières premières, le transport et le stockage des déchets industriels, ou encore la production et le transport d’énergie, avec un risque effroyable lié aux centrales nucléaires.

3. Catastrophes sociologiques

Épidémie, famine, populations déplacées, rassemblement de foules, réfugiés, et tous les conflits, en général armés, notamment les attentats.

Risque sanitaire. Risque NRCB

Un risque sanitaire est un risque qui concerne la santé publique, avec un impact plus ou moins fort ; il peut être à échéance brève, voire immédiate, ou lointaine. Sa probabilité est plus ou moins grande (risque faible, risque élevé). Rappelons qu’un risque est une notion statistique, et qu’un risque ne se prévient pas mais  se gère (cf. l’article de cette encyclopédie sur la gestion des risques).

Parmi ces risques sanitaires, il en est un, le risque NRBC, dont il convient de dire quelques mots du fait de son importance. Les quatre lettres désignent un risque Nucléaire, Radiologique, Biologique ou Chimique.

Il s’agit de risques à dangerosité élevée, mettant en jeu la vie des populations civiles et militaires. Il peut s’agir de risques liés à une pratique non conventionnelle des conflits armés (utilisation de gaz toxiques), à l’utilisation par des terroristes d’armes bactériologiques, ou encore à un accident lors du transport de matériaux radioactifs. Le pire étant évidemment un accident de type Tchernobyl ou Fukushima, dont chacun souhaite qu’il n’arrive pas chez lui.

Catastrophe sanitaire

Quand un risque sanitaire se concrétise (quand le risque devient réalité), il déclenche en général une catastrophe sanitaire si la réponse mise en place ne suffit pas à prendre en charge l’afflux de victimes. Ce type de catastrophe doit être anticipé.

Un simple exemple : une pénurie de vaccins face à une pandémie virale annoncée. Mais on se souvient d’une ministre de la santé brocardée pour avoir commandé une quantité considérable de vaccins contre la grippe H1N1 qui n’eurent pas besoin d’être utilisés, et dont ne savait plus quoi faire.

Médecine de catastrophe

La médecine de catastrophe est une discipline appartenant à la médecine d’urgence, laquelle est parfois désignée par le vocable pompeux et peu connu du grand public (et probablement aussi du corps médical) d’oxyologie. Elle concerne des situations sanitaires impliquant un grand nombre de victimes. Tous les médecins peuvent se trouver en situation d’avoir à apporter leur concours lors d’une catastrophe (notamment les anesthésistes, les chirurgiens, les réanimateurs), mais ce sont les médecins urgentistes qui sont en première ligne, sans compter les indispensables paramédicaux et, bien entendu, les sapeurs-pompiers, qui sont les véritables spécialistes de la gestion des catastrophes.

La médecine de catastrophe présente certaines caractéristiques : c’est une médecine certes d’urgence, mais aussi de terrain, qui doit s’adapter aux circonstances ; c’est une médecine globale, pluridisciplinaire ; c’est une médecine de masse, où le plus grand nombre l’emporte sur le plus grave.

La médecine d’urgence doit tenir compte d’impératifs extra-médicaux nombreux : la population et les familles impliquées, les forces de l’ordre (police et gendarmerie), les médias, et, bien entendu, les autorités qui coordonnent les opérations (préfet, ARS…).

Chaque catastrophe étant par définition unique, la médecine de catastrophe élabore des doctrines pour la gestion des catastrophes futures, qui sont révisables après chaque événement, grâce au retour d’expérience (RETEX).

Exemple : depuis les attentats du Bataclan, la doctrine a évolué en matière de prise en charge des victimes d’attentat terroriste.

Situation sanitaire exceptionnelle (SSE)

Le concept de situation sanitaire exceptionnelle (SSE) englobe toutes les situations susceptibles d’engendrer une augmentation sensible de la demande de soins, ou de perturber l’organisation de l’offre de soins.

Lors d’une SSE, il convient de coordonner au mieux la réponse pré-hospitalière, qui est du ressort de la sécurité civile, et la réponse hospitalière, qui est prise en charge par le système sanitaire. Cette coordination est de la responsabilité des autorités (préfet, ARS, etc.). Elle peut se faire au niveau départemental, régional, zonal (notion de zone de défense) ou national.

Hôpital en tension

Entre un fonctionnement normal de l’offre de soins et une situation telle qu’on peut l’observer lors d’une SSE, il existe un état intermédiaire de crise que l’on qualifie de tension, et que l’on retrouve dans le dispositif « hôpital en tension ».

Ce dispositif a pour but de permettre la continuité des missions des établissements de santé confrontés à une situation critique de prise en charge des urgences hospitalières, sans qu’il soit nécessaire de déclencher le plan blanc.

Le principal problème à résoudre par la cellule de crise hôpital en tension est habituellement de trouver des lits pour hospitaliser les patients qui en ont besoin. Mais, avec le dispositif hôpital en tension, on est hélas quasiment dans le quotidien des hôpitaux, et plus du tout dans la médecine de catastrophe.

Dispositif ORSAN

ORSAN est un acronyme (abréviation qui se prononce de manière syllabique) qui signifie Organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles. C’est un dispositif national qui existe depuis 2014, et qui est régi par un décret du 6 octobre 2016. Le plan ORSAN chapeaute les plans blancs.

Le plan ORSAN comporte 5 volets :

ORSAN AMAVI : pour l’accueil massif de victimes non contaminées.

ORSAN CLIM : pour les victimes nombreuses d’un phénomène climatique.

ORSAN EPI-VAC : gestion au niveau national d’une épidémie ou d’une pandémie, pouvant comprendre l’organisation d’une campagne de vaccination massive.

ORSAN BIO : gestion d’un risque biologique connu ou émergeant.

ORSAN RNC : gestion d’un risque radiologique, nucléaire ou chimique.

Citons trois activations du plan ORSAN depuis sa création : l’épidémie de grippe saisonnière de l’hiver 2014-2015, les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, et du 14 juillet 2016 à Nice.

Plans de secours

Pour pouvoir réagir de manière efficace et adaptée à des circonstances exceptionnelles, sans céder à la panique, il convient que les situations soient anticipées. C’est l’objectif des différents plans : ORSEC (Organisation des SECours), plan rouge, PPI (Plan Particulier d’Intervention), PPS (Plan de Secours Spécialisé), plan blanc (mise en alerte des services hospitaliers), plan SATER (Secours Aéronef TERre), plan autoroute, plan inondation, plan NRBC (Nucléaire, Radiologique, Bactériologique, Chimique).

Ces plans mobilisent l’ensemble des secours disponibles, tant publics que privés.

Les plans ORSEC et rouge sont des plans généraux de mobilisation des services concernés par une catastrophe. Les PPI et PPS sont des plans opérationnels pour un risque identifié lié à des installations particulières soumises aux normes européennes, de type SEVESO (PPI) ou non (PPS). Le plan blanc est un plan de mobilisation hospitalière face à un afflux massif de victimes ; il est indépendant du plan rouge.

Plan blanc

Le plan blanc d’un établissement de santé, qu’il soit public ou privé, est le document qui décrit la réponse que cet établissement a prévu d’apporter en cas d’afflux important de patients ou de victimes. C’est l’étape qui suit celle décrite dans le dispositif « hôpital en tension ».

En situation de crise, les responsables de l’établissement, réunis en cellule de crise, vont activer des procédures formalisées, opérationnelles, en principe connues de tous, et testées annuellement.

Toute situation de crise doit en effet activer la cellule de crise, qui décide du déclenchement du plan blanc, lequel implique l’ensemble des personnels de l’établissement, qu’ils soient administratifs, médicaux ou paramédicaux. Le plan blanc est spécifique de chaque établissement et tient compte de ses caractéristiques. Il est envoyé au directeur de l’ARS et au SAMU.

Le plan blanc d’un établissement de santé s’intègre, au niveau départemental, dans le plan blanc élargi, élaboré par la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales, en coordination avec le SAMU.

Le plan blanc peut gérer des situations de gravité très différentes les unes des autres, allant, par exemple, de l’afflux simultané de victimes d’une intoxication au monoxyde de carbone, situation non catastrophique dans laquelle il m’est arrivé d’être impliqué, jusqu’à l’arrivée massive de victimes d’un attentat, situation que j’espère ne jamais connaître, car on rentre alors de plein pied dans la médecine de guerre, à laquelle je ne me sens pas vraiment préparé.

Médecine de guerre

La médecine militaire est une spécialité médicale exercée par des médecins militaires, qui se consacre à la prévention, au diagnostic et au traitement des maladies et des traumatismes liés à l’exercice de la profession militaire.

Après la chute de l’URSS, de nombreuses armes de guerre, dont la célèbre Kalachnikov, se sont éparpillées dans la nature, et sont très largement utilisées par des non militaires, en particulier les trafiquants et les terroristes. La médecine de guerre s’est ainsi exportée dans la vie civile, avec ses règles de prise en charge spécifiques comme le damage control.

Damage control

Cet anglicisme utilisé universellement peut se traduire en français par « maîtrise  (ou limitation) des dégâts ». C’est la doctrine de base de la médecine de catastrophe, qu’elle soit militaire ou civile. Elle a été mise en lumière en France à l’occasion des attentats terroristes de 2015 (Paris) et 2016 (Nice).

Il s’agit de prodiguer des soins a minima pour assurer, dans un premier temps, la survie des victimes, après un tri (ou triage) qui permet de les ranger dans l’une  des quatre catégories suivantes : l’urgence dépassée (il n’y a plus rien à faire), l’urgence absolue (à traiter en priorité), l’urgence relative (à traiter dès que possible) et les impliqués (personnes présentes mais sans blessure, parfois en état de sidération psychologique, dont la présence peut gêner le bon déroulement des opérations de secours mais dont il faut aussi s’occuper).

La phase de tri, qui ne comporte pas de soins à proprement parler mais qui est une prérogative médicale et paramédicale, commence dès que le théâtre des opérations est sécurisé par les forces de l’ordre, pour ne pas mettre en danger la vie des sauveteurs. Le damage control comporte deux étapes, la première pré-hospitalière, qui consiste en des gestes simples, comme l’arrêt d’une hémorragie de membre grâce à la pose d’un garrot ou la lutte contre l’hypothermie grâce à des couvertures de survie, et une étape hospitalière, avec ses deux volets, l’un de réanimation, appelé damage control resuscitation, et l’autre de chirurgie, le damage control surgery, qui fait appel à des procédures chirurgicales ne devant pas durer plus d’une heure, comme la laparotomie écourtée pour les blessés de l’abdomen ou l’utilisation de fixateurs externes pour immobiliser les fractures.

Cellule de crise et CUMP

Toutes les situations décrites dans cet article nécessitent de réunir une cellule de crise, dans un lieu choisi à l’avance, et avec les intervenants dont la présence a été également déterminée à l’avance. La cellule de crise est à la fois un lieu et une organisation, qui prend les décisions nécessaires et coordonnent les actions sur le terrain, ainsi que la communication. Les personnes qui figurent dans l’organigramme de la cellule de crise d’un plan doivent connaître le fonctionnement de ce plan (plan blanc par exemple). C’est tout l’intérêt de faire régulièrement des exercices de simulation.

Il existe un autre type de cellule qui est activement systématiquement lors d’une catastrophe, la cellule d’urgence médico-psychologique, la CUMP. Il s’agit d’un dispositif sanitaire de prise en charge psychologique des personnes blessées ou seulement impliquées dans une catastrophe. Les CUMP sont départementales, et  interviennent dans le cadre du SAMU ; elles sont placées sous la responsabilité des ARS (Agence régionale de santé). Elles sont organisées en réseau national.

Et pour conclure, il ne faudra surtout pas oublier de prendre en considération et en charge l’impact psychologique que ces catastrophes sanitaires peuvent avoir sur les sauveteurs et les soignants, même si c’est leur métier.

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