Ces trois termes se rapportent à des attitudes de consommation, notamment en matière de pratiques alimentaires, qui s’écartent du modèle courant, et qui découlement de plus en plus souvent du souci du bien-être animal.
L’ordre alphabétique est ici l’inverse de l’ordre chronologique, dans la mesure où l’attitude la plus ancienne, du moins en Europe, est le végétarisme, et la plus récente le véganisme. Ces pratiques sont de plus en plus répandues, même si elles restent très minoritaires en France.
Alimentation « normale »
L’homme est un être naturellement omnivore (qui mange de tout). L’alimentation humaine, pour être équilibrée et ne pas induire de carences, doit apporter les trois types de nutriments que sont les glucides (les sucres), les lipides (les graisses) et les protides (les protéines). La diététique classique enseigne qu’il existe deux sources de protides, les protéines animales et végétales, et que dans une alimentation équilibrée, les apports de protides provenant de ces deux sources doivent être de niveau équivalent. Ce n’est pas tout-à-fait ce qui se passe dans les diverses pratiques alimentaires que nous allons aborder, que les tenants de l’orthodoxie nutritionnelle considèrent comme contraires à la nature (si tant est qu’il y ait une nature humaine).
Végétarisme et végétalisme
Le végétarisme est une pratique alimentaire qui interdit aux végétariens toute consommation de chair animale. Selon les aliments d’origine animale qu’ils s’autorisent, on décrit plusieurs formes de végétarisme :
• l’ovo-lacto-végétarisme, qui admet la consommation d’œufs, de produits laitiers et de miel ; c’est la forme habituelle du végétarisme dans les pays occidentaux ;
• le lacto-végétarisme autorise les produits laitiers et le miel, mais interdit les œufs ; c’est ce qui se passe dans le végétarisme indien, de loin le plus pratiqué dans le monde ;
• l’ovo-végétarisme est l’inverse du précédent : il inclut les œufs et le miel, et exclut les produits laitiers.
Si l’on supprime les œufs, les produits laitiers et le miel, pour ne se nourrir que de végétaux, on est végétalien, adepte du végétalisme.
On peut encore aller plus loin, et ne manger par exemple que des fruits et des matières végétales produites sans abîmer les plantes : c’est le fruitarisme ; on peut aussi, pour des raisons de santé, ne consommer que des aliments crus (ou cuits à moins de 48°) : crudi-végétalisme, pratiqué par les crudivores.
Autres modes alimentaires proches du végétarisme
D’autres pratiques alimentaires s’apparentent plus ou moins aux précédentes.
• Le pesco-végétarisme ou pescétarisme est un végétarisme qui autorise la consommation d’animaux aquatiques comme les poissons, les crustacés et les mollusques. Certaines personnes se revendiquant comme végétariennes mangent régulièrement du poisson.
• Le flexitarisme autorise la consommation occasionnelle de chair animale. C’est comme un végétarisme « soft », adapté à l’humeur du moment, tout comme le fait, pour une personne qui ne consomme pas régulièrement d’alcool, de s’autoriser de petites entorses occasionnelles.
• Le régime « macrobiotique » est un régime à prétention philosophique, basé sur la complémentarité yin/yang que l’on retrouve dans la philosophie taoïste chinoise. Certaines des dix phases de ce régime sont végétariennes, voire végétaliennes, d’autres non.
Autres pratiques alimentaires
Certaines pratiques alimentaires sont très anciennes, notamment les interdits alimentaires religieux, concernant en particulier la viande de porc dans les religions juive et musulmane.
D’autres sont beaucoup plus récentes, comme le jeûne occasionnel, le régime sans gluten (en dehors d’une allergie ou d’une intolérance), les régimes « dissociés », la mode des compléments alimentaires, etc.
Effets sur la santé de ces pratiques alimentaires
Les effets peuvent être bénéfiques ou délétères, ces derniers étant plus faciles à prouver que les premiers. En effet, lorsqu’une personne adopte un régime végétarien ou végétalien pour des raisons de santé, il est vraisemblable qu’elle y associe des mesures d’hygiène de vie qui auront leur part dans une éventuelle baisse de morbidité ou de mortalité. En revanche, les carences éventuelles seront facilement rattachables à un mode alimentaire particulier, si l’alimentation n’est pas assez variée pour les prévenir (notamment les carences en acides aminés essentiels et en vitamines, en particulier la B12, qui doit faire l’objet d’une complémentation, en particulier chez les végétaliens).
Sans qu’il soit possible d’apporter de preuves formelles, certaines études tendraient à démontrer que le végétarisme favoriserait la prévention des maladies cardio-vasculaire, de l’obésité, de la maladie d’Alzheimer, de la cataracte, etc.
En tout état de cause, il est vraisemblable qu’une alimentation trop riche en viande, comme c’est devenu le cas chez nous, ne soit pas la meilleure chose qui soit en termes de bonne santé. Et il semble acquis que certains régimes, comme le fameux « régime crétois » (qui n’est pas végétarien), ont un effet positif sur l’espérance de vie des populations qui en font leur quotidien (sans que les membres de ces populations aient la notion de suivre un régime ; c’est tout simplement leur façon de s’alimenter depuis toujours).
Véganisme
Le véganisme est un mode de vie qui consiste à exclure toute consommation de produits animaux ou issus de l’exploitation des animaux. Ce mode de vie est sous-tendu par une idéologie de défense des droits des animaux. En conséquence, la personne adepte du véganisme est non seulement strictement végétalienne, mais elle s’interdit aussi d’utiliser des produits d’origine animale (cire d’abeille, cuir, fourrure, laine, soie, etc.) ou testés sur des animaux (cosmétiques, médicaments, etc.) : « les humains doivent vivre sans exploiter les animaux », telle est la devise du véganisme. D’autres vont plus loin encore, en refusant par exemple le dressage des chevaux ou la domestication d’animaux de compagnie.
Un mot de sémantique semble nécessaire. Véganisme est un terme d’apparition très récente dans la langue française (il dérive de l’anglais veganism), et qui est remplacé dans certains pays, comme le Québec, par l’expression de « végétalisme intégral ». L’adjectif relié est végan au masculin, végane au féminin, dans le langage dit genré ; mais on peut utiliser la forme « épicène » (ou neutre), qui fait de végane un adjectif indifféremment masculin ou féminin. Pour ceux qui l’ignorent, le langage épicène (ou neutre) tend à remplacer les termes masculins par des termes neutres. Le langage épicène et le langage inclusif, à visée antisexiste, s’opposent au langage genré habituel, considéré par beaucoup comme sexiste (car c’est le genre masculin qui est ici mis en avant)
Motivations
Il existe de très nombreuses raisons pour lesquelles un individu décide de devenir végétarien, végétalien ou végane. Ce peut être tout simplement parce qu’il est né dans une famille adepte de ce mode de vie, ou par simple dégoût de la viande. Mais, la plupart du temps, il s’agit d’une démarche volontaire, motivée par différentes raisons que nous allons passer en revue.
• Numériquement, la première motivation est d’ordre religieux. En effet, certaines religions orientales, pratiquées par de très nombreux individus, notamment en Inde, recommandent (hindouisme et bouddhisme) ou imposent (jaïnisme) à leurs adeptes d’être végétariens ou végétaliens. Ces motifs religieux sont sous-tendus par des raisons philosophiques, à savoir la non-violence et le respect de toute forme de vie. L’Inde, pays de la non-violence par excellence est ainsi le premier pays pourvoyeur de végétariens au sens large.
• On peut aussi choisir de devenir végétarien (ou végétalien) parce que l’on pense que c’est bénéfique pour la santé. Ce n’est pas formellement prouvé, comme nous l’avons vu plus haut, mais beaucoup de gens en sont persuadés.
• La préservation de l’environnement est également une motivation puissante. On sait que l’élevage intensif est une des causes du réchauffement climatique, à travers l’hyperproduction de méthane, la déforestation, la diminution de la ressource en eau, etc.
• Le souci du bien-être animal est probablement la principale raison de l’augmentation récente de ce type de choix alimentaire dans notre pays. En effet, des vidéos montrant la souffrance des animaux élevés en vue de l’alimentation humaine soit pendant leur courte vie, soit au moment de leur mise à mort dans les abattoirs, sensibilisent de plus en plus de gens à la cause du bien-être animal. Certains en deviennent même militants, faisant de cette démarche personnelle une cause morale.
Droits des animaux et des plantes. Antispécisme
La philosophie humaniste occidentale prédominante place l’humain au sommet de la pyramide du vivant, devant le règne animal, avec sa propre hiérarchie (un singe ou un dauphin valant mieux, dans cette optique, qu’un rat ou qu’un insecte), et nettement au-dessus du règne végétal. D’aucuns continuent même à vouloir faire des distinctions, en termes de droits et de dignité, entre les prétendues races humaines. Certaines écoles défendent l’attitude inverse, que l’on qualifie d’antispécisme, dans la mesure où, pour leurs tenants, toutes les espèces animales, homme compris, ont droit au même respect et ont donc les mêmes droits. C’est la position défendue en particulier par des philosophes comme Peter Singer ou Elisabeth de Fontenay. On peut encore aller plus loin et vouloir, comme certains le demandent, donner des droits aux plantes.
Sur le plan sémantique on notera que le préfixe « anti » qualifie le contraire d’une attitude (racisme/antiracisme) ; l’antispécisme a ceci de particulier qu’il s’oppose à une attitude tellement majoritaire et tellement ancrée dans nos habitudes de pensée que le mot spécisme n’est pratiquement jamais employé, et qu’il n’est nullement corrélé négativement, comme peuvent l’être les mots racisme ou sexisme. Contrairement au racisme, le spécisme n’est pas considéré comme une faute morale, du moins pour l’instant…
Article publié le 28 mai 2018