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Syphilis / Variole / Vérole

 

 

Vérole est un terme qui ne fait plus vraiment partie du vocabulaire médical. Il servait autrefois à désigner deux maladies totalement distinctes, la variole ou petite vérole, et la syphilis ou grande vérole.


La variole, plus grande tueuse en série de l’histoire de l’humanité, a été éradiquée de la surface du globe, mais pas la « grande vérole », qui connaît un regain d’actualité.


Grande et petite véroles

Vérole est un mot vieilli, qui est sorti du vocabulaire médical. Il désignait une éruption cutanée faite de pustules et/ou de vésicules. Le mot est resté dans le langage populaire, sous forme d’expressions plus ou moins argotiques : « vérole de moine » ou « comme la vérole sur le bas-clergé breton », ou encore, plus récent : « fichier informatique vérolé » par un logiciel malveillant.

L’équivalent anglais de vérole est le mot pox.

En fait, trois maladies portaient autrefois le nom de vérole : la grande vérole, ou syphilis, et la petite vérole, ou variole ; la varicelle portait parfois le nom poétique de « petite vérole volante ». Cependant, lorsque l’on parlait simplement de vérole, sans qualificatif, c’est à la syphilis que l’on songeait habituellement.

Contrairement à la logique, la petite vérole est beaucoup plus grave que la grande.

Lien historique entre grande et petite vérole

Bien que les deux maladies n’aient strictement rien à voir, elles ont un lien historique (supposé) très fort, la conquête de l’Empire aztèque par les troupes espagnoles d’Hernan Cortés. Au moment où débute la conquête, en 1518, le pays comptait 25 millions d’habitants ; un siècle plus tard, il n’en restait plus qu’un million et demi. La petite vérole, amenée involontairement par les conquistadores, était passée par là. Mais, tout aussi involontairement, les Amérindiennes firent aux Espagnols le cadeau empoisonné d’une maladie vénérienne,  la grande vérole, qui allait rapidement faire des ravages dans toute l’Europe. Cependant cette théorie de l’origine hispano-américaine de la syphilis est battue en brèche par des preuves tangibles que la syphilis existait bien en Europe depuis l’Antiquité.

Les maladies vénériennes étaient appelées ainsi car elles étaient censées être un « cadeau » (empoisonné) de Vénus, la déesse de l’amour dans la mythologie romaine. Maintenant que l’on sait que les maladies  sexuellement transmises (MST) ou infections sexuellement transmissibles (IST) peuvent l’être  aussi bien par l’homme que par la femme, on ne parle plus de maladie vénérienne.

Variole

La variole, que nous n’appellerons donc plus la petite vérole (small pox en anglais), est une maladie infectieuse d’origine virale, très contagieuse, responsable d’épidémies dramatiques. Elle est due à un poxvirus.

On estime que la variole est la maladie qui a causé le plus de décès dans l’histoire de l’humanité, plus que la peste ou la grippe. Les patients qui survivaient gardaient des séquelles cutanées indélébiles particulièrement disgracieuses, notamment au niveau du visage, que l’on décrivait comme « grêlé » de petite vérole.

Mais on doit en parler au passé, puisque l’OMS considère que la variole a disparu de la surface du globe depuis le dernier cas observé en 1977. L’américain Donald A. Henderson, qui avait dirigé cette campagne mondiale de vaccination, est mort le 19 août 2016 à l’âge de 87 ans.

Dans ces conditions, on s’abstiendra de la description des différentes formes cliniques de la variole, devenue inutile.

Vaccination contre la variole : Jenner et la vaccine

L’histoire de la vaccination contre la variole, première maladie à avoir bénéficié de ce type de prophylaxie, mérite d’être contée ici, bien qu’elle soit très connue.

Avant cette découverte fondamentale, des tentatives de variolisation avaient été faites en inoculant volontairement le contenu de pustules de sujets faiblement atteints par la variole.

Edward Jenner, médecin de campagne anglais (1749 – 1823), avait vérifié la véracité d’une croyance bien établie dans sa région d’exercice, à  savoir que les filles de ferme ne contractaient jamais la variole. Cependant, elles présentaient souvent des pustules, dues à une maladie transmise par la vache, appelée vaccine en français (la vache, en latin, se dit vacca), et cow pox en anglais. La vaccine les prémunissait contre la variole, d’où l’usage du mot vaccination.

Voici comment Jenner procéda. Il eut l’audace de prélever du pus des pustules d’une vachère nommée Sarah, atteinte de la vaccine, et l’inocula par scarification cutanée à un jeune garçon nommé James Phipps. Après s’être convaincu que le garçon avait bien contracté le cow pox, il n’hésita pas à lui inoculer, le 14 mai 1796, le contenu d’une vésicule d’un patient décédé de la variole, et démontra ainsi que le gamin n’était plus  contaminable par la variole. Il était « vacciné ». Heureusement que le principe de précaution n’était pas encore passé par là !

Rôles de Guillotin et de Napoléon dans la diffusion de la vaccination en France

Napoléon se fit raconter l’histoire de la découverte de Jenner par une sommité médicale française, le Dr Guillotin, dont le nom n’est malheureusement passé à la postérité que comme le concepteur de la guillotine. Guillotin était un chaud partisan d’une vaccination systématique de la population, afin d’éradiquer le fléau. Il avait même obtenu  le soutien du pape, et ce malgré la réticence d’une partie du clergé français. Sur les conseils de Guillotin, Napoléon avait fondé en 1804  la Société pour l’extinction de la petite vérole par la propagation de la vaccine. On voit qu’avec un tel personnage, les choses ne traînaient pas !

Napoléon avait dans la tête le projet fou d’envahir l’Angleterre, mais il avait appris que ce pays était touché par une terrible épidémie de variole. Il prit donc la décision de faire vacciner sa Grande Armée, avec cependant des résultats mitigés puisque, au moment de son abdication, seulement 6000 hommes environ sur un effectif de 500000 avaient été vaccinés. Mais, fidèle en cela à ses convictions, il avait fait vacciner son propre fils, le roi de Rome. Il avait d’ailleurs le projet de rendre la vaccination obligatoire en France, ce qu’il aurait peut-être réussi à obtenir si les circonstances historiques lui en avaient laissé le temps.

Syphilis : des noms qui ont varié au cours des siècles

Le nom actuel de la syphilis, ex grande (ou grosse) vérole, provient de celui d’un personnage des Métamorphoses d’Ovide (Ier siècle après J.C), le berger Siphylus (ou Sipylus). On notera en passant que le « y » a changé de rang. C’est l’humaniste, médecin et poète  italien Girolamo Fracastoro qui l’utilisa le premier en 1530, dans un poème dans lequel il parle du « mal français ».

La syphilis aurait été importée par des marins espagnols qui avaient fait partie de l’équipage de Christophe Colomb, et qui participaient à une des campagnes militaires menées dans le royaume de Naples par le roi de France Charles VIII en 1494.

Personne ne voulait de la paternité de cette épidémie, à qui l’on a donc donné, dans chaque nation concernée, le nom d’un adversaire : mal de Naples pour les Français, et mal français pour les Italiens, mais aussi les Allemands et les Anglais (french pox) ou encore les Polonais. On le voit, les Français avaient plus d’ennemis que les autres. Les Espagnols n’accusèrent personne !

Jusqu’à ce que les connaissances sur la maladie s’affinent, le terme de syphilis était utilisé pour parler de toute maladie vénérienne.

Cause de la syphilis

On sait depuis 1905 que la syphilis est due à une bactérie, le tréponème  pâle (Treponema pallidum).

C’est une infection sexuellement transmissible (IST, ex MST), la transmission se faisant soit par des rapports sexuels non protégés (vaginal, anal ou bucco-génital), soit par voie sanguine, soit encore par voie transplacentaire pendant la grossesse, expliquant l’existence de la syphilis congénitale.

Les trois stades de la syphilis

La syphilis évolue classiquement en trois stades successifs.

Le stade primaire est celui du chancre d’inoculation, point d’entrée de la bactérie, accompagné d’une importante adénopathie. Le patient est contagieux dès l’inoculation.

Le stade secondaire correspond à une diffusion du tréponème par voie sanguine. Il se traduit par des lésions cutanéo-muqueuses : roséole et syphilides, très contagieuses également. Ce sont probablement ces lésions cutanées qui expliquent la dénomination de vérole pour la syphilis.

Le stade tertiaire est devenu très rare de nos jours. Il donne des manifestations articulaires, cardiovasculaires (anévrisme syphilitique de l’aorte) ou nerveuses.

Actuellement, pour des raisons thérapeutiques, on ne retient plus que deux stades : précoce, moins d’un an après le chancre, et tardif, plus d’un an après (ou date inconnue).

La neurosyphilis est une forme particulière de la maladie, qui peut se manifester sous la forme du tabes (tabes dorsalis), qui est une dégénérescence des cordons postérieurs de la moelle, ou de ce que l’on appelait autrefois la paralysie générale (PG), ou maladie de Bayle, qui est une méningo-encéphalite chronique, et qui se caractérise plus par une démence et un délire mégalomaniaque que par une paralysie proprement dite.

Pour l’anecdote, on signalera que le tabes a été le sujet de la thèse de doctorat en médecine de sir Arthur Conan Doyle, l’inventeur du détective Sherlock Holmes.

Le traitement de la syphilis

Avant la découverte de la pénicilline, il fallait bien soigner les patients. On eut donc recours, pendant des siècles, et sans grand succès, aux sels de mercure, particulièrement toxiques, puis aux dérivés arsenicaux, au début du XXème siècle. On utilisa même la malariathérapie (inoculation du parasite du paludisme), la vaccination (syphilisation) et la sérothérapie sans plus de succès.

Le tréponème est très sensible à la pénicilline injectable, et cela depuis la découverte de cet antibiotique jusqu’à nos jours, puisqu’il n’a pas été décrit de souches résistantes. La syphilis est donc devenue facilement curable, ce qui explique qu’elle ait reculé au point de n’être plus une maladie à déclaration obligatoire en France depuis 2000.

Cependant, depuis cette date, on assiste à une recrudescence mondiale de la maladie, notamment en Asie du Sud et du Sud-Est.

Quelques syphilitiques célèbres

Les syphilitiques célèbres (vrais ou supposés) sont trop nombreux pour les citer tous. On se contentera des noms suivants, par ordre chronologique et d’activité : le roi de France François 1er ; Casanova (cela n’est guère étonnant compte tenu de sa vie amoureuse trépidante), les musiciens Paganini, Donizetti, Schubert (qui était homosexuel), Schumann et Smetana, les écrivains de langue allemande ETA Hoffmann, Heinrich Heine et Franz Kafka, les écrivains français Baudelaire, Flaubert, Alphonse Daudet (qui souffrait atrocement du tabes), Verlaine, Maupassant (qui en est mort), Feydeau (également mort de la syphilis), les écrivains russes Dostoïevski et Tolstoï, les écrivains britanniques Oscar Wilde et James Joyce, les peintres Manet, Gauguin et Toulouse-Lautrec, et le milliardaire et cinéaste américain Howard Hughes (qui contamina pas mal d’actrices de cinéma).

Parmi les noms cités, beaucoup étaient atteints de la paralysie générale, comme les écrivains Heinrich Heine ou Guy de Maupassant, ou le compositeur Robert Schumann, qui a sombré dans la folie.

Article publié le 15 août 2016

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