L’épistémologie est une branche de la philosophie qui peut, tout comme l’histoire, s’intéresser à la médecine.
Théorie de la science ou de la connaissance, l’épistémologie, pas plus que l’histoire de la médecine, n'est pas une discipline médicale, et n'est donc pas enseignée dans les facultés de médecine, ce que l’on ne peut que regretter.
Epistémologie
L’étymologie provient du grec : épistémè, la science, et logos, le discours.
Le mot semble être apparu initialement dans la langue anglaise, avec le sens assez général de théorie de la connaissance. Dans la culture francophone, le sens est plus précis ; on peut définir l’épistémologie « à la française » comme l’étude critique des sciences et de la connaissance scientifique.
Il est possible regrouper les sciences autour de deux piliers épistémologiques : les sciences « exactes », ou « dures », que sont les sciences formelles (mathématiques et logique), la physique et la chimie ; et les sciences « inexactes » (mais que l’on ne qualifie jamais de « molles » !) que sont les sciences du vivant, dont la médecine, et les sciences humaines et sociales, dont la sociologie.
Comme il y a une histoire de la médecine, il y a une histoire de l’épistémologie, avec quelques noms célèbres de philosophes qui se sont intéressés à cette discipline, tels René Descartes ou Emmanuel Kant dans le passé. A l’époque contemporaine, on pourra citer les noms de l’anglais Bertrand Russel, de l’allemand Edmund Husserl, fondateur de la phénoménologie, ou encore de l’autrichien Karl Popper, qui élabora la très intéressante théorie de la réfutabilité, selon laquelle un énoncé ne peut être considéré comme scientifique qu’à la condition qu’on puisse le réfuter de manière indiscutable. Autrement dit, pour valider une théorie scientifique, il faut pouvoir démontrer qu'elle pourrait être fausse, ce qui peut paraître paradoxal en première approche. Et elle reste vraie tant qu'on n'a pas démontrée qu'elle est erronée.
La France du XXème siècle n’est pas en reste avec les noms de Jean Piaget, de Gaston Bachelard, et de tous les intellectuels appartenant au courant de pensée structuraliste (Claude Lévi-Strauss pour l’anthropologie, Jacques Lacan pour la psychanalyse, Jacques Derrida et Michel Foucault, dont nous reparlerons au chapitre suivant, pour la philosophie).
Epistémologie médicale
La médecine est à la fois une science (une connaissance) et une pratique, ce que l’on appelle une praxis. L’épistémologie médicale s’intéresse au versant scientifique de la médecine, notamment à l’ontologie médicale, autrement dit la manière dont s’élabore la connaissance médicale. Elle étudie également les processus d’apparition, d’évolution et de disparition des entités médicales : signes et syndromes (sémiologie), lésions et maladies (pathologie).
En France, deux philosophes du XXème siècle se sont penchés sur l’épistémologie de la médecine ; l’un était médecin, Georges Canguilhem, l’autre ne l’était pas, Michel Foucault. Le second est plus connu du grand public, le premier des médecins.
Georges Canguilhem (1904 – 1995) et Michel Foucault (1926 – 1984)
Philosophe, médecin et résistant français, Georges Canguilhem est connu pour être le plus important spécialiste français de l’épistémologie médicale. Il commença ses études de médecine une fois obtenue son agrégation de philosophie.
Ses travaux portèrent sur la biologie, la médecine, la psychologie et l’éthique, et aussi sur ce que l’on pourrait appeler les idéologies scientifiques.
Son idée maîtresse est que le vivant ne peut pas se déduire uniquement à partir des lois de la physique et de la chimie.
Il a exprimé sa pensée dans de nombreux ouvrages, notamment deux livres majeurs, Le normal et le pathologique (1966), qui complète sa thèse de médecine de 1943, et La connaissance de la vie (1952).
Par ailleurs, Canguilhem a donné, dans ses Etudes d’histoire et de philosophie des sciences concernant les vivants et la vie, une définition très intéressante de la santé, qui est habituellement donnée négativement comme absence de maladie. Selon lui, la santé est un surcroît de ressources mobilisables en fonction des variations du milieu dans lequel baigne chaque être vivant : « être en bonne santé, c’est pouvoir abuser impunément de sa santé ».
Elève au lycée Henri IV du célèbre philosophe Emile Chartier, plus connu sous le nom d’Alain, puis condisciple à l’Ecole normale supérieure de Jean Cavaillès (futur grand résistant), de Jean Paul Sartre et de Raymond Aron, enfin disciple du célèbre Gaston Bachelard auquel il succèdera, il influença lui-même des intellectuels appelés à devenir célèbres, comme le sociologue Pierre Bourdieu et les philosophes Gilles Deleuze et surtout Michel Foucault, dont il fut le directeur de thèse.
Michel Foucault est un philosophe français qui s’est beaucoup intéressé aux relations entre le pouvoir et le savoir. En 2007, soit plus de vingt ans après sa mort, il aurait l’auteur en sciences humaines le plus cité dans le monde.
Son apport à l’épistémologie médicale est attesté par plusieurs de ses livres majeurs : Histoire de la folie à l’âge classique, dont on a pu dire qu’elle contenait des éléments autobiographiques (Foucault, homosexuel mal assumé, était un grand dépressif chronique), et Naissance de la clinique : une archéologie du regard médical.
A la fin de sa vie, il s’attelle à une gigantesque Histoire de la sexualité, dont seuls les trois premiers volumes seront publiés.
Histoire de la médecine
L’histoire de la médecine est une branche de l’histoire, et, à ce titre, elle concerne au premier chef les historiens. Cependant, nombre d’historiens de la médecine étaient aussi médecins.
L’histoire de la médecine s’articule autour de trois thèmes : l’évolution des idées et des théories médicales, les inventions médicales, et les médecins qui ont fait l’histoire.
Faire l’inventaire des théories qui ont prévalu à un moment ou à un autre dépasserait le cadre de cet article. Citer les grands noms de l’histoire de la médecine a déjà fait l’objet d’un article de cette encyclopédie (Personnalités célèbres de l’histoire de la médecine).
Reste les inventions majeures de l’ère moderne, parmi lesquelles on peut citer : le thermomètre à mercure en 1714 (Gabriel Fahrenheit) ; l’ambulance médicalisée en 1792 (Dominique-Jean Larrey) ; la vaccination en 1796 (Edward Jenner) ; l’anesthésie générale en 1846 (James Young Simpson) ; la seringue hypodermique en 1853 (Alexander Wood) ; l’antisepsie en 1865 (Joseph Lister) ; les rayons X en 1895 (Wilhelm Röntgen) ; l’électrocardiographie (ECG) en 1903 (Willem Einthoven) ; le tensiomètre en 1905 (Nikolaï Korotkov) ; la pénicilline en 1928 (Alexander Fleming) et son utilisation comme antibiotique en 1938 (Ernst Chain et Howard Florey) ; la transplantation cardiaque en 1967 (Christiaan Barnard) et le cœur artificiel en 1982 (Robert Jarvik).
En ce qui concerne l’imagerie, les inventions se sont faites dans l’ordre inverse de leur développement clinique : l’IRM a été conçue au début des années 1970, avant le scanner (la TDM) en 1973, puis l’échographie en 1979. Pour des raisons évidentes de coût de développement de ces machines, c’est l’échographie qui s’est imposée le plus vite, au point de faire partie de la routine médicale dès les années 80, alors que la généralisation du scanner puis de l’IRM a été beaucoup plus tardive. Mais qui se souvient du nom de leurs inventeurs ?
Un dernier point, les médecins ont toujours aimé voir leur nom entrer dans l’histoire de leur discipline. La plupart des structures anatomiques portent ainsi le nom de l’anatomiste qui a été le premier à les décrire. Quant aux maladies, c’est vraiment un grand honneur pour un médecin de voir son nom attaché à tout jamais à celui d’une maladie.
La liste en est longue, et nous ne citerons que les maladies les plus connues (mais pas nécessairement les médecins les plus célèbres) : maladies d’Addison, d’Alzheimer, de Biermer, de Charcot, de Cushing, de Dupuytren, de Hodgkin, de Menière (vertige de M.), de Parkinson, de Quincke (œdème de Q.), etc. Quant à John Dalton, il a donné son nom au daltonisme.
Certains médecins ont laissé leur nom à un signe, comme celui de Babinski (neurologie), de Chvostek (tétanie), de Köplick (rougeole) ; manœuvre de Lasègue (hernie discale), de Murphy (cholécystite) ; ganglion sus-claviculaire gauche de Troisier (cancérologie) ; tout cela n’est pas mal non plus en termes de notoriété.
Il existe à Paris un musée d’histoire de la médecine, et à Toulouse un musée des instruments de médecine.
Article publié le 4 avril 2016