Régulation s’applique à plusieurs sujets en médecine, notamment au flux quotidien des urgences, qui sont régulées par le SAMU.
Le maintien de l’homéostasie passe par tout un ensemble complexe de régulations. La régulation des urgences, qui occupe l’essentiel de cet article, est également un système complexe, parfois mis en défaut de manière dramatique.
Régulation en général
Tous nos systèmes biologiques possèdent un mécanisme de régulation, qui fonctionne souvent sur le principe du rétrocontrôle. C’est le cas notamment du système endocrinien, chaque hormone régulant une fonction biologique ou physiologique : régulation de la glycémie, de la tension artérielle, de la température, de la faim et de la soif, etc. Ces régulations participent au mécanisme de l’homéostasie, qui permet au milieu intérieur d’être constamment en équilibre à l’état normal.
Prenons un exemple qui pourrait paraître simple, mais qui est en réalité assez complexe dans la mesure où interviennent plusieurs hormones et plusieurs organes, à savoir la régulation de la glycémie. Celle-ci doit rester comprise dans des valeurs assez étroites. La glycémie est régulée par une hormone que tout le monde connaît, l’insuline, qui est hypoglycémiante, et par quatre autres hormones qui agissent comme des antagonistes de l’insuline, raison pour lesquelles on parle d’hormones de la contre-régulation : le glucagon, l’adrénaline, le cortisol et l’hormone de croissance. Quatre organes ou systèmes participent à ce mécanisme : le foie, le pancréas, le rein et le système nerveux.
Attention : en anglais, regulation signifie réglementation. C’est donc un « faux ami ».
Régulation des urgences. DAMU (demande d’aide médicale en urgence) et BAMU (besoin d’aide médicale en urgence)
Un bref rappel historique est ici nécessaire : la régulation des urgences médicales en France débute réellement en juillet 1968, avec la création du réseau des services d’aide médicale urgente (Samu) par le Pr Lareng, à Toulouse. Auparavant avaient été créées des UMH, unités mobiles hospitalières, et des UTIM, unités de traitement intensif mobiles, qui prenaient en charge essentiellement des transferts inter-hospitaliers
Ce n’est qu’à partir de 1979 que le Samu pourra recevoir des appels du public via les fameux « centres 15 » départementaux, mis en place par la ministre de la santé de l’époque, une certaine Simone Veil. Ces appels constituent ce que l’on appelle les « demandes d’aide médicale urgente », ou DAMU. Toute la difficulté de la régulation consiste à savoir quels sont en réalité les « besoins en aide médicale urgente » (BAMU) qui correspondent à cette demande, et quels moyens il faudra mobiliser pour y répondre. Ce sont les DAMU qui font l’objet de la régulation médicale que nous allons expliciter.
Il faut bien comprendre que, malheureusement, tous les appels reçus par les centres 15 ne correspondent pas à de vraies urgences, loin s’en faut, et que le système est largement pollué par des appels farfelus, voire malveillants. Tous les appels sont enregistrés, comme le grand public a pu le constater en mai 2018 à l’occasion du décès très médiatisé, survenu fin 2017, de la jeune Naomi Musenga, dont l’appel de détresse n’avait pas été pris en compte sérieusement par la régulation du samu. Quand on connaît la fin de l’histoire (le décès de l’appelante), on ne peut qu’être choqué par la réponse désinvolte qui lui a été faite. Cependant, ce type d’appel est très fréquent, et ne correspond pas toujours à une véritable situation de détresse. Ceci (le fait qu’il pouvait s’agir simplement d’une crise d’angoisse, voire d’un appel « bidon ») ne saurait excuser cela (la désinvolture de la réponse).
SAMU et SMUR
SAMU est l’acronyme de « service d’aide médicale urgente ». Comme il est passé dans le langage courant, il est légitime de l’écrire Samu, ou même samu. On ne confondra pas Samu et SMUR, acronyme de service mobile d’urgence et de réanimation, appellation en principe réservée aux ambulances de réanimation. La confusion, souvent faite entre les deux termes, s’explique d’autant mieux que ces ambulances portent, la plupart du temps, l’appellation SAMU surmontant « l’étoile de vie », logo international des Samu (étoile à six branches ornée du bâton d’Asclépios (Esculape) qui compose le caducée médical).
Le Samu est le centre de régulation médicale des urgences d’une région sanitaire. C’est lui qui déclenche l’envoi d’une ambulance SMUR.
SMUR interne : dans tous les hôpitaux on trouve affiché en bonne place le N° de téléphone d’urgence du « SMUR interne », qui permet de déclencher l’action immédiate d’une équipe de réanimation, pour faire face, par exemple, à un arrêt cardiaque chez un patient hospitalisé. Cette appellation n’a cependant rien d’officiel.
Organisation du Samu
Le réseau des Samus couvre tout le territoire métropolitain et outremarin. Chaque Samu dispose, au sein du centre hospitalier départemental, d’une salle de régulation où officient le médecin régulateur et ses assistants. Le médecin régule, et le patient (ou son cas) est régulé. On parle également de centre 15, ou encore de centre de réception et de régulation des appels (CRRA). La salle de régulation fonctionne comme un centre de télécommunications avec un amont (les appelants, qu’il s’agisse du public, de secouristes, d’ambulanciers, de paramédicaux, de médecins libéraux ou hospitaliers), et un aval (l’offre de soins régionale, que ce soit les médecins, les hôpitaux, les ambulances, etc.). Le Samu est en liaison directe avec les sapeurs-pompiers, la police et tous les services de sauvetage.
Médecin régulateur et personnels non médicaux de régulation (PARM)
La fonction principale du médecin régulateur est de décider en urgence quelle est la meilleure réponse possible à apporter à une DAMU. Il dispose de la délégation nécessaire pour mobiliser, si nécessaire, les moyens techniques adaptés aux BAMU, y compris l’hélicoptère.
Le (ou les) médecin régulateur est secondé par plusieurs personnels assistants de régulation médicale (PARM), qui reçoivent les appels, récoltent les principales informations (comme le lieu d’où est parti l’appel, la nature de celui-ci, etc.), avant de passer l’appel au médecin régulateur qui va, à l’aide de questions précises, tenter d’évaluer la gravité de la situation, pour y apporter la réponse la plus adaptée et la mieux graduée, allant du simple conseil médical (dans environ la moitié des cas) à l’envoi de moyens, qui peuvent être les suivants :
- adressage vers le médecin de garde ou une association type SOS médecins ;
- envoi d’une ambulance privée ou publique ;
- envoi d’une unité de sauvetage, comme un véhicule d’assistance et de secours aux victimes des pompiers (VSAV) ;
- envoi d’une unité mobile hospitalière (UMH) du SMUR d’un hôpital, constituée d’un médecin, d’un infirmier et d’un ambulancier. Ceci correspond à ce que le jargon des urgentistes appelle une « sortie SMUR. Cette éventualité correspond à environ 15% des cas, mais varie considérablement d’un Samu à l’autre.
Le médecin régulateur du Samu détermine avec les médecins d’amont (ceux qui s’occupent actuellement du patient) et les médecins d’aval (ceux qui vont le prendre en charge) vers quel service de quel hôpital doit être dirigé le patient pour une prise en charge optimale.
La responsabilité juridique du médecin régulateur et de son équipe est susceptible d’être recherchée en cas de dysfonctionnement (cf. affaire Naomi).
Transferts inter-hospitaliers
Le Samu gère de la même façon les transferts inter-hospitaliers : par exemple, le transfert d’une femme enceinte d’une maternité de niveau 1 à une maternité de niveau 3, ou celui d’un opéré en état de choc vers un service de réanimation, la structure dans laquelle il a été opéré n’en disposant pas. Dans ce dernier cas, le chirurgien et l’anesthésiste prennent contact avec leurs homologues de la structure d’accueil ; après quoi, le Samu organise le transfert avec le moyen disponible le plus adapté, y compris l’hélicoptère.
Télémédecine : téléassistance, télédiagnostic
Devant une demande d’aide médicale urgente (DAMU), il peut être difficile pour l’équipe de régulation d’évaluer la réalité du besoin d’aide médicale urgente (BAMU). La télémédecine peut être une aide, sous forme de télédiagnostic, ou même de téléassistance quand un médecin se fait assister à distance par un expert pour réaliser un geste d’urgence dont il n’a pas l’habitude (par exemple une thrombolyse).
Appel en urgence : le 15, le 18 et les autres numéros
Il existe plusieurs numéros pour envoyer un appel médical d’urgence. Les plus connus sont le 15, numéro du Samu, le 17, numéro de la police, et le 18, celui des pompiers. Le 112 est le numéro d’appel d’urgence européen. Mais on peut aussi recourir au généraliste de garde, à une association type SOS médecins, ou encore se rendre dans un service d’urgences, public ou privé. Le choix est vaste.
SOS médecins
SOS Médecins est un service d’urgence à domicile géré exclusivement par des médecins du secteur libéral (des médecins « de ville »). SOS médecins est doté d’un système propre de régulation, qui fonctionne en synergie avec le Samu. SOS Médecins fonctionne 24 heures sur 24, et 7 jours sur 7. Au départ (1966) limitée à Paris, la structure s’étend actuellement sur tout le territoire, comportant 65 associations regroupées autour d’une unité centralisatrice appelée SOS Médecins France, créée en 1982. En 2018, environ 70% de la population française peut faire appel à SOS Médecins. Les médecins de SOS Médecins ont inspiré plusieurs fictions (livres, films, documentaires).
Urgences hospitalières : l’infirmière d’accueil et d’orientation (IOA)
Dans les services d’Urgences hospitaliers sont présents depuis quelques années des personnels infirmiers dédiés à l’organisation et à l’accueil des urgences (IOA, pour infirmier organisateur de l’accueil), également appelés infirmier d’accueil et d’orientation, ce qui, sur le simple plan de la logique, est plus adapté à la fonction (avant d’orienter, il faut accueillir). Leur rôle a été défini par un décret du 22 mai 2006. Leur tâche principale est de faire le tri (le fameux tri, terme qui peut sembler un peu inhumain) entre les différents degrés d’urgence, qui vont de l’urgence vitale à la simple urgence ressentie du fait de l’angoisse. Compte tenu des délais de prise en charge de plus en plus longs dans les services d’urgences, et de l’agressivité croissante de certains patients ou de leur entourage vis-à-vis du personnel soignant, on conçoit l’importance de cette nouvelle fonction régulatrice.
Plan blanc. Plan Orsan
Un plan blanc est un document qui décrit minutieusement, pour chaque établissement hospitalier, public comme privé, l’organisation prévue pour l’accueil et la prise en charge d’un afflux massif de patients ou de victimes. C’est donc une procédure propre à chaque établissement, à caractère obligatoire (loi du 9 août 2004). L’activation du plan blanc se fait via une cellule de crise propre à chaque établissement.
On ne confondra pas plan blanc et procédure dite « hôpital en tension », chargée de trouver des lits aux patients qui se présentent aux Urgences en plus grand nombre que d’habitude. Compte tenu de la réduction du nombre de lits hospitaliers, cette situation d’hôpital en tension est de plus en plus fréquente.
Tous les plans blancs sont chapeautés au niveau national depuis 2014 par le plan Orsan (Organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles). Il existe cinq déclinaisons du plan Orsan en fonction de la situation sanitaire : Orsan AMAVI (accueil massif de victimes non contaminées), CLIM (prise en charge de victimes nombreuses d’un événement climatique), EPI-VAC (gestion nationale d’une épidémie ou d’une pandémie), BIO (prise en charge d’un risque biologique connu ou émergent), NRC (prise en charge d’un risque nucléaire, radiologique ou chimique). Avec ces plans blancs et Orsan, on atteint le summum de la régulation des situations d’urgence.
Samu social
Le Samu social (ou samusocial) est un ensemble d’associations non gouvernementales venant en aide aux personnes les plus démunies, notamment les SDF. L’ancêtre des samus sociaux est celui de Paris créé en 1993 par le Dr Xavier Emmanuelli. Ces associations sont chapeautées en France par la Fédération nationale des samus sociaux, avec un N° d’appel unique, le 115, et au plan international par le Samu social international. Au début de la mise en route du samusocial avaient été créés des CHU, Centres d’hébergement d’urgence, appellation qui prêtait confusion avec les Centres hospitaliers universitaires. Le premier « CHU » créé le fut en 1998 à Montrouge, en banlieue parisienne.
L’image du samu social que tout le monde connaît est celle de la « maraude » faisant la tournée des SDF en plein hiver pour leur proposer un hébergement d’urgence afin de pouvoir dormir au chaud.
On peut constater que dans l’appellation « samu social », la lettre M n’a plus vraiment sa place puisqu’il n’est pas fait référence à la médecine. Il s’agit ici de la mise en œuvre de la solidarité envers les plus démunis.
Article publié le 14 mai 2018