La médecine, du moins celle que l’on peut qualifier de conventionnelle occidentale, avance grâce à la recherche médicale, avec ses deux volets : recherche clinique et recherche fondamentale. La première est l’affaire des médecins, la seconde des chercheurs (qui peuvent éventuellement être médecins).
Il est bien fini le temps où la parole d’un grand patron suffisait à dire la vérité médicale, et où les laboratoires pharmaceutiques pouvaient mettre sur le marché des médicaments pour lesquels le service médical rendu était très faible, voire inexistant.
Aujourd’hui, toute affirmation doit être étayée par des preuves, même si elles sont toujours réfutables : c’est la médecine fondée sur la preuve, également appelée médecine factuelle (des faits avérés, pas des opinions).
La médecine actuelle (donc factuelle) ne peut plus avancer que grâce à la recherche médicale, d’abord fondamentale, puis clinique.
La recherche pharmaceutique est un bon exemple de mise en œuvre successive de ces deux types de recherche, ce qui permet de disposer de médicaments réellement efficaces.
On ne peut malheureusement pas en dire autant des médecines non conventionnelles, dont le credo serait plutôt : ayez confiance, car ça fonctionne !
Recherche fondamentale
Dans le domaine médical, la recherche fondamentale concerne essentiellement la biologie et la physiologie. Elle a pour but d’améliorer la compréhension des phénomènes naturels dans ces différentes matières, sans aucun a priori commercial. La virologie (étude des virus), notamment, ressort typiquement de la recherche fondamentale. De même, tout ce que l’on sait sur l’ADN vient de la recherche fondamentale.
Un exemple particulièrement éclairant (c’est le cas de le dire !) est celui du laser, pur produit de la recherche fondamentale en physique, et qui se retrouve quelques années plus tard dans l’arsenal thérapeutique médico-chirurgical, grâce à la recherche appliquée, puis à la recherche clinique.
Cette recherche fondamentale est pratiquée par des chercheurs qui travaillent dans des laboratoires qui dépendent la plupart du temps, du moins en France, d’établissements publics comme l’INSERM, Institut national de la santé et de la recherche médicale.
Recherche clinique
La recherche clinique est l’équivalent médical de la recherche appliquée dans le domaine technologique, si ce n’est que la recherche appliquée a toujours un but lucratif, qui n’est pas toujours visé par la recherche clinique (si c’est un laboratoire pharmaceutique qui a initié l’étude, il y a nécessairement un objectif lucratif ; en revanche, quand elle l’a été par une équipe médicale sans lien avec l’industrie pharmaceutique, cet objectif commercial sera absent).
Dans le domaine de la virologie, pris en exemple dans le paragraphe précédent, la recherche appliquée s’intéresse au développement de vaccins efficaces (notamment contre Ebola, priorité en 2017).
Contrairement à la recherche fondamentale qui recourt à l’expérimentation, la recherche clinique fonctionne grâce à une méthodologie particulière appelée essai clinique (ou essai thérapeutique, ou étude clinique). Ces essais sont menés par des équipes médicales, épaulées par des statisticiens.
Essai (étude) clinique (thérapeutique)
La médecine ayant l’humain comme objet, il n’est pas possible de réaliser des expérimentations scientifiques comme on le fait en recherche fondamentale. On a donc recours aux essais (études) cliniques, dont le principe est le suivant : en premier lieu, on choisit la question à laquelle l’essai doit répondre, par exemple « le nouveau traitement X est-il plus efficace, ou mieux toléré, que le traitement Y utilisé jusque là ? ». Pour cela, on va constituer des groupes homogènes de patients (des bras), qui, après tirage au sort, recevront soit le traitement X, soit le traitement Y. Parfois, le produit testé, X, est comparé à un placebo.
Ce tirage au sort s’appelle randomisation (random, en anglais, désigne le hasard). Bien entendu, il faut obtenir le consentement des patients, et faire valider l’étude par un comité de bioéthique.
L’essai à pour but de répondre à la question posée, et à cette seule question.
Des statisticiens entrent en jeu, au début pour calculer les effectifs nécessaires dans chaque bras, et à la fin pour analyser les résultats constatés.
En général, ce type d’essai se fait en aveugle (ou insu) : simple aveugle quand seul le patient ignore le traitement appliqué ; double aveugle quand celui qui applique le traitement l’ignore également. L’essai peut être unicentrique, ou multicentrique si on a besoin d’effectifs importants.
Quand l’essai est fini, soit il est possible de répondre positivement à la question posée, avec un certain degré de signification statistique, soit l’étude ne permet pas de conclure. Attention, ne pas pouvoir conclure ne signifie pas que la réponse soit négative, mais qu’elle n’est pas positive ! Un exemple pour me faire comprendre : les études cliniques ont montré que la coelioscopie était préférable pour réaliser une cholécystectomie, mais ne l’ont pas montré pour la cure de hernie inguinale. Ne pas faire bénéficier un patient de la coelioscopie pour réaliser une cholécystectomie serait contraire à l’obligation de moyens, alors que ce ne le serait pas pour une cure de hernie inguinale.
Est-il besoin de préciser que, la médecine n’étant pas une science exacte, les résultats de ces études ne doivent pas être pris pour parole d’évangile, car des études ultérieures, toute aussi bien menées, pourront aboutir à une conclusion inverse. Dans ce cas, il faudra réaliser de nouvelles études pour espérer trancher.
Quand on dispose de nombreuses études sur une question précise, on peut procéder à une méta-analyse, qui permet d’affiner la réponse.
Recherche pharmaceutique : de la découverte d’une nouvelle molécule à la mise sur le marché d’un médicament innovant
La mise sur le marché d’un nouveau médicament fait appel dans un premier temps à la recherche fondamentale, pour élaborer de nouvelles molécules, d’abord essayées chez l’animal de laboratoire, à l’étape préclinique, puis à la recherche clinique, pour tester l’utilité du produit pour lequel le laboratoire pharmaceutique souhaite obtenir le précieux sésame qu’est l’AMM (Autorisation de mise sur le marché).
Ces essais cliniques se déroulent en trois phases : les essais de phase I font appel à des volontaires sains. Ils ont pour but de s’assurer que la toxicité chez l’homme est identique à celle observée chez l’animal, et d’étudier le devenir du médicament dans l’organisme (c’est la pharmacocinétique). Lors le la phase II, on détermine la dose optimale en termes d’efficacité, sur des effectifs de l’ordre d’une centaine de patients. Enfin, la phase III consiste à comparer, sur des groupes de plusieurs milliers de patients, le produit étudié par rapport à un autre médicament réputé efficace, ou un placebo. Le but est ici de montrer l’efficacité du médicament, et d’évaluer son rapport efficacité/tolérance.
En définitive, ce nouveau produit ne sera en principe commercialisé que s’il apporte quelque chose de plus que le produit considéré jusque là comme le gold standard dans l’indication envisagée.
Article publié le 9 février 2015