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Gangrène / Ischémie / Nécrose / Rhabdomyolyse

L’ischémie est un processus pathologique fréquent, dont les conséquences sont de trois ordres, la nécrose (ou infarctus), la gangrène et la rhabdomyolyse, la première beaucoup plus fréquente que les deux autres.


Les organes les plus touchés par l’ischémie sont le cerveau et le myocarde, bien avant les membres inférieurs et l’intestin.


Ischémie et hypoxie

L’ischémie désigne la diminution de l’apport de sang artériel, riche en oxygène, au niveau d’un organe. Il s’ensuit pour cet organe une baisse de l’oxygénation, autrement dit une hypoxie, qui peut aboutir à la nécrose ischémique de l’organe en question, par aggravation de l’hypoxie en anoxie. L’autre conséquence est la diminution de l’élimination des déchets toxiques produits par le métabolisme anaérobie.

De nombreux organes peuvent être concernés par l’ischémie, qui peut se présenter sur un mode aigu ou chronique : ischémie du myocarde (le muscle cardiaque), avec l’angine de poitrine qui peut à tout moment se décompenser en infarctus du myocarde ; ischémie mésentérique, qui peut aboutir à la nécrose de l’intestin grêle ; ischémie des membres inférieurs par artériopathie chronique oblitérante, qui passe par un stade d’ischémie critique avant de se décompenser en ischémie aiguë.

Les conséquences d’une ischémie sont toujours plus graves pour les organes dont la vascularisation est dite terminale, sans suppléance, comme c’est le cas pour les artères coronaires qui vascularisent le myocarde. Une ischémie dans le territoire de l’artère mésentérique supérieure, qui vascularise l’intestin grêle selon une disposition terminale, est beaucoup plus lourde de conséquences que le même phénomène dans le territoire de l’artère mésentérique inférieure, qui vascularise le côlon et le rectum avec de nombreuses suppléances.

De nombreux processus peuvent être responsables d’une ischémie : un caillot  dans une artère, qu’il s’agisse d’une thrombose ou d’une embolie, une sténose artérielle provoquée par des plaques d’athérome dans le cadre de l’athérosclérose, une hémorragie non contrôlée, une compression artérielle par un processus qui peut être externe (écrasement d’un membre) ou interne (notamment une tumeur), ou encore une infection.

Une exception cependant : la présence d’un thrombus dans une artère pulmonaire lors d’une embolie pulmonaire ne génère pas d’ischémie car le sang des artères pulmonaires est du sang veineux, pauvre en oxygène.

On notera qu’ischémie se prononce : « is-ké-mi ».

Ischémie aiguë et ischémie chronique

Le phénomène ischémique est habituellement chronique, lié à un état  défectueux de la paroi des artères, qui diminue leur calibre. Les manifestations cliniques de l’ischémie chronique dépendent évidemment du territoire concerné : angine de poitrine, angor intestinal, claudication intermittente des membres inférieurs, etc.

A tout moment, cet équilibre fragile peut se rompre, et aboutir à une ischémie aiguë, infarctus du myocarde, infarctus mésentérique, ischémie aiguë d’un membre inférieur, précédée par un stade d’ischémie chronique critique (sévère).

Mais l’ischémie peut être aiguë d’emblée, sans prodromes (c’est-à-dire sans signes avant-coureurs), notamment quand elle est due à une embolie et non pas à l’athérosclérose. On peut faire un AVC ischémique sans jamais avoir eu de manifestation neurologique préalable.

Nécrose et infarctus

Contrairement à l’apoptose, qui est un processus physiologique de mort cellulaire programmée, la nécrose est un phénomène pathologique de mort cellulaire non programmée qui aboutit à la destruction d’un tissu, comme par exemple la peau pour une nécrose cutanée.

La nécrose est souvent d’origine ischémique, mais il existe de nombreuses autres causes, notamment infectieuses.

La pancréatite aiguë peut se compliquer de coulées de nécrose du parenchyme pancréatique. On parle alors de pancréatite aiguë nécrosante.

L’ostéonécrose aseptique de la tête fémorale est d’origine ischémique et non pas infectieuse (comme l’indique l’adjectif aseptique).

Au niveau des fibromes utérins, on décrit la nécrobiose aseptique, qui n’est qu’une variante  d’involution des fibromes.

En ce qui concerne le processus ischémique, nécrose et infarctus sont deux termes à peu près équivalents, si ce n’est qu’on parle plus volontiers d’infarctus pour le processus pathologique, et de nécrose pour la lésion histologique (foyer de nécrose ou d’infarcissement).

Un tissu atteint de nécrose est, au choix, nécrosé ou nécrotique.

Un article  de cette encyclopédie est consacré à l’infarctus.

Ischémie cérébrale

Le cerveau est vascularisé par deux systèmes artériels  différents : la vascularisation carotidienne, via les artères carotides internes,  et le système vertébro-basilaire, qui dépend du tronc basilaire.

On distingue classiquement deux cadres nosologiques distincts, l’AIT et l’AVC.

L’AIT, pour accident ischémique transitoire, porte aussi le nom assez poétique d’éclipse cérébrale. Il s’agit d’un déficit neurologique localisé, brutal et fugace, puisqu’il disparaît sans séquelle en moins de 24 heures, et même le plus souvent en moins d’une heure. L’AIT peut concerner le cerveau, la rétine ou la moelle épinière.

L’AVC, pour accident vasculaire cérébral, était autrefois connu sous les dénominations suivantes : attaque cérébrale, attaque d’apoplexie, ictus apoplectique, ou plus simplement apoplexie, tous termes devenus désuets. Le mot attaque témoigne du caractère brutal de ce déficit neurologique, dont les manifestations sont très variées, notamment en fonction du mécanisme de survenue. On distingue en effet l’accident ischémique (infarctus cérébral) de l’accident hémorragique (hémorragie cérébrale). L’infarctus cérébral représente 80% des cas d’AVC, contre 20% pour l’hémorragie cérébrale. L’AVC est, dans les pays développés, la première cause de handicap physique de l’adulte, et la deuxième cause de mortalité.

Ischémie myocardique ou cardiopathie ischémique

Le myocarde, autrement dit le muscle cardiaque, est vascularisé par des artères terminales, les artères coronaires droite et gauche, branches directes de l’aorte thoracique.

Ces artères sont fréquemment touchées par le processus d’athérosclérose, responsable de sténoses localisées, elles-mêmes source d’ischémie. On parle donc de cardiopathie ischémique.

Sa forme chronique est l’angor, également appelé angine de poitrine, dont la manifestation la plus connue est la douleur constrictive rétro-sternale irradiant vers le membre supérieur gauche, qui se calme avec de la trinitrine. Sa forme aiguë est l’infarctus du myocarde (IDM). On notera que ce mot est assez difficile à prononcer, et se transforme parfois, dans la bouche de certains patients, en « infractus », quand ce n’est pas en « fracture du myocarde », qui est le titre d’un très joli film de Jacques Fansten consacré à l’enfance.

Le pronostic de l’infarctus du myocarde a été transformé par le développement de l’angioplastie coronarienne suivie de la mise en place d’un ou de plusieurs stents. Cette technique a détrôné le fameux pontage coronarien, souvent unique, mais parfois double, triple voire quadruple. Curieusement, la plupart des gens ont entendu parler de stent (qu’on traduit habituellement par ressort si l’on ne veut pas utiliser le mot anglais), souvent sans savoir de quoi il s’agit vraiment.

Ischémie des membres inférieurs ou artériopathie chronique oblitérante

L’aorte abdominale se termine par une bifurcation qui donne naissance aux deux artères iliaques primitives, une pour chaque membre inférieur.

Le développement de l’athérome au niveau du réseau artériel des membres inférieurs est responsable de l’artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs, dont les deux principaux facteurs favorisant sont le tabagisme, responsable de lésions plutôt proximales, et le diabète, de lésions plus volontiers distales.

La manifestation clinique la plus connue de la maladie à son début est la claudication intermittente, crampe douloureuse qui se déclenche à la marche, avec un périmètre de marche qui diminue au cours de l’évolution de la maladie. À un stade plus avancé, dit d’ischémie critique, des troubles trophiques cutanés apparaissent au niveau des jambes, avec des ulcères artériels qui se développent dans le territoire de l’artère bouchée. En cas d’ischémie critique, le risque de devoir recourir à une amputation est très élevé en l’absence de revascularisation.

Là encore, cette affection chronique peut se compliquer de manière aiguë, c’est l’ischémie aiguë d’un membre inférieur, nécessitant un geste urgent de revascularisation pour éviter l’amputation.

Ischémie mésentérique et colite ischémique

Il existe deux artères destinées à l’intestin, toutes deux branches de l’aorte abdominale, l’artère mésentérique supérieure, qui vascularise l’intestin grêle avec une distribution terminale, et l’artère mésentérique inférieure, qui vascularise le côlon et le rectum, avec de nombreuses suppléances. Cette différence explique que l’ischémie de l’intestin grêle (qu’on appelle ischémie mésentérique) soit beaucoup plus grave que l’ischémie colique, qui ne touche que la muqueuse : c’est la colite ischémique.

Comme pour le myocarde, l’ischémie mésentérique peut être chronique, c’est l’angor intestinal, ou aigu, c’est l’infarctus mésentérique. L’angor intestinal se manifeste par des douleurs postprandiales (survenant après les repas), circonstance pendant laquelle le besoin en oxygène de l’intestin est maximal. L’angor intestinal peut évoluer vers l’ischémie intestinale aiguë, dont le diagnostic est rarement fait avant le stade d’infarctus mésentérique, dont la gravité dépend de l’étendue du territoire concerné par l’infarcissement. L’infarctus mésentérique est une maladie particulièrement grave, dont la mortalité tourne autour de 80%.

Quand l’ischémie atteint la muqueuse du côlon, on parle de colite ischémique, forme de loin la plus fréquente de l’ischémie intestinale. Elle se manifeste par des douleurs abdominales aiguës accompagnées d’une diarrhée sanglante. On en décrit trois formes : la colite ischémique transitoire, qui guérit en général sans séquelles au bout de quelques jours ; la colite ischémique chronique, qui risque d’évoluer vers la sténose colique, et la colite ischémique gangréneuse, particulièrement grave, qui nécessite une exérèse chirurgicale urgente.

La colite ischémique gangréneuse fait une transition idéale avec le paragraphe suivant, consacré à la gangrène.

Gangrène

La gangrène est une forme de nécrose dans laquelle les tissus ischémiés sont atteints de putréfaction (c’est la signification du mot grec gagraina). Dans les siècles passés, la gangrène était l’évolution prévisible et redoutée des blessures de guerre, et le blessé ne pouvait espérer échapper à la mort atroce par gangrène qu’au prix d’une amputation rapide, qui était la spécialité du chirurgien de Napoléon, le célèbre Dominique-Jean Larrey, devenu baron d’Empire grâce à ses talents de chirurgien militaire. On rapporte qu’il ne lui fallait qu’une minute pour réaliser une amputation de membre !

En fonction de la cause, de l’aspect et de la localisation de la gangrène, on décrit la gangrène sèche, la gangrène humide (surinfectée), la gangrène gazeuse (cf. infra), la fasciite nécrosante d’origine streptococcique, la gangrène diabétique, la gangrène de Fournier, qui touche le scrotum, l’horrible gangrène fulgurante du visage, également appelée stomatite gangréneuse, ou encore noma.

Gangrène gazeuse

La gangrène gazeuse est une forme particulière de gangrène provoquée par des germes anaérobies (Clostridium perfringens), qui peut survenir dans différentes circonstances, notamment après chirurgie du périnée (intervention pour hémorroïdes par exemple). Malgré le traitement par antibiotiques adaptés aux germes anaérobies et l’oxygénothérapie hyperbare, son pronostic est réservé. On évite son apparition grâce à une antibioprophylaxie ciblée contre les germes anaérobies avant chirurgie à risque spécifique. 

Rhabdomyolyse

La rhabdomyolyse est, comme l’indique son étymologie, une destruction (une lyse) des fibres musculaires striées, autrement dit des muscles squelettiques.

Certaines protéines musculaires comme la myoglobine sont libérées dans la circulation sanguine lors de la rhabdomyolyse ; leur élimination par voie rénale peut être à l’origine d’une insuffisance rénale aiguë. L’autre risque évolutif grave est l’hyperkaliémie, par libération du potassium intracellulaire.

La rhabdomyolyse a sa place dans cet article car elle peut être provoquée par une anoxie tissulaire, telle  qu’on peut l’observer à la suite d’une compression prolongée d’une partie du corps, notamment chez les personnes ensevelies : syndrome des ensevelis, également appelé syndrome de Bywaters ou encore crush syndrome. Mais bien d’autres causes sont possibles pour expliquer une rhabdomyolyse, comme la prise de certains médicaments ou de toxiques, ou encore l’électrisation.

Article publié le 30 janvier 2017

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