Il existe deux moelles, qu’il ne faut surtout pas confondre : la moelle épinière et la moelle osseuse. Or on a pu entendre le présentateur d’un JT de 20 heures annoncer tranquillement « des progrès considérables dans la greffe de moelle épinière » !
La moelle épinière appartient au système nerveux central, et constitue le prolongement du tronc cérébral. La moelle osseuse appartient au système hématopoïétique : donc, rien à voir entre ces deux moelles, sinon une orthographe commune (sans accent ni tréma sur le « o » ni sur le « e »), et une même adjectif dérivé : médullaire (et non pas moelleux!).
Il n’a jamais été question de greffer de la moelle épinière à quelqu’un (du moins dans l’état actuel de la médecine) !
Moelle épinière : anatomie et physiologie
La moelle épinière (medulla spinalis ou moelle spinale dans la nomenclature internationale) est la partie du système nerveux central qui fait suite au tronc cérébral au niveau du bulbe rachidien. Elle est contenue dans le canal rachidien formé par la juxtaposition des foramens vertébraux. Elle est constituée de neurones (cellules nerveuses) et de cellules gliales.
On lui décrit plusieurs segments : cervical, thoracique, lombaire, sacré et coccygien, correspondant aux segments éponymes de la colonne vertébrale.
Elle présente deux renflements : le cervical, entre C4 et T1 pour les racines des nerfs du membre supérieur, et le renflement lombaire, entre T10 et L1, pour les racines des nerfs des membres inférieurs. Sa partie terminale est le cône médullaire, qui donne naissance aux nerfs de la « queue de cheval ».
En coupe transversale, on décrit deux zones distinctes : la matière blanche, en périphérie, contient les axones des nerfs sensoriels et moteurs ; la matière grise, centrale, en forme de papillon, est constituée par les corps cellulaires des neurones.
La moelle est protégée par les trois feuillets méningés que sont la pie-mère, au contact de l’organe, la dure-mère en périphérie, et l’arachnoïde entre les deux. Ces feuillets prolongent les méninges du cerveau, et enferment le liquide céphalo-rachidien (LCR), que l’on devrait appeler céphalo-spinal (LCS) si les médecins français se mettaient enfin à utiliser la nomenclature anatomique internationale. Le LCR peut être prélevé en vue d’analyses par ponction lombaire.
Les anesthésistes doivent connaître parfaitement ces différents espaces méningés pour réaliser des rachianesthésies ou des anesthésies péridurales (ce n’est pas la même chose, même si on parle en général aux patients de « péridurale » pour ces deux techniques, car seul ce terme semble connu du public).
La fonction principale de la moelle épinière est la transmission des messages nerveux entre le cerveau et le reste du corps. Pour cela, elle dispose de trois circuits : un circuit descendant transmettant les informations motrices aux muscles ; un circuit ascendant qui véhicule les informations sensorielles vers le cerveau ; enfin, un centre de coordination de certains réflexes.
La motricité volontaire est assurée par les axones du faisceau pyramidal, la motricité involontaire et la posture par ceux du système extrapyramidal.
Maladies de la moelle épinière
Un certain nombre d’affections peuvent toucher la moelle épinière, avec, comme conséquences, des paralysies diverses comme la paraplégie ou la tétraplégie. Ces maladies sont pour la plupart d’entre elles d’évolution irréversible.
Ce sont :
- la compression médullaire ;
- la myélopathie cervico-arthrosique ;
- la poliomyélite ;
- la sclérose en plaques ;
- la sclérose latérale amyotrophique ;
- le syndrome de la queue de cheval ;
- la syringomyélie ;
- les traumatismes médullaires, notamment par accident de la voie publique.
Moelle osseuse : anatomie et physiologie
La moelle osseuse est un tissu situé dans la cavité médullaire des os. On en décrit deux sortes : la moelle jaune, qui est du tissu graisseux, et qui devient de la moelle grise avec l’âge (c'est elle que l'on déguste dans un "os à moelle") ; et la moelle rouge, la plus importante car responsable de l’hématopoïèse, autrement dit de la production des éléments figurés du sang : globules blancs, globules rouges et plaquettes.
La moelle rouge, qui fabrique quotidiennement 1000 milliards de cellules sanguines (eh oui !), contient deux types cellulaires : les cellules souches hématopoïétiques, dont le nombre est constant (car à chaque division d’une cellule souche une des cellules créées reste une cellule souche, et l’autre se différencie en cellule sanguine), et les cellules stromales, qui sont les cellules hématopoïétiques elles-mêmes.
Jusqu’à l’âge de cinq ans, tous les os participent à la fonction hématopoïétique, qui se concentre ensuite dans les os courts et plats comme le sternum, les côtes, les vertèbres ou encore les os iliaques.
Pour explorer la moelle osseuse, on dispose de deux examens : la ponction médullaire (en général réalisée au niveau du sternum) qui permet un myélogramme (étude cytologique à partir d’un frottis de moelle) ; et la biopsie ostéo-médullaire qui permet une étude histologique ; elle est en général prélevée au niveau de la crête iliaque. Ce dernier examen a la réputation justifiée d’être douloureux.
Maladies de la moelle osseuse
Là encore, il existe de nombreuses affections de la moelle osseuse, certaines d’entre, appelées hémopathies malignes, étant particulièrement graves.
Les affections médullaires sont :
- l’aplasie médullaire ;
- la maladie de Waldenström ;
- les métastases médullaires ;
- les myélodysplasies ;
- les myélomes (maladie de Kahler) ;
- les syndromes myéloprolifératifs, dont il existe de nombreuses variétés touchant les trois lignées cellulaires sanguines.
Quand le dysfonctionnement médullaire aboutit à la baisse de production des cellules d’une lignée, cela donne : pour la lignée rouge, l’anémie (son contraire est la polyglobulie) ; pour la lignée blanche, la neutropénie (son contraire s’appelle l’hyperleucocytose) ; et pour les plaquettes, la thrombopénie (son contraire étant la thrombocytose).
Greffe de moelle osseuse
La greffe de moelle est un acte qui consiste à transférer d’un donneur à un receveur un fragment de moelle osseuse rouge. Comme il n’y a aucun geste technique de raccordement, il s’agit d’une greffe et non pas d’une transplantation.
Le donneur est toujours un donneur vivant. Le receveur doit souffrir d’une affection médullaire particulièrement grave pour bénéficier de cette technique, dont il existe deux variantes : l’allogreffe qui provient d’un donneur sain le plus proche possible du receveur dans le système HLA (on parle d’histocompatibilité), ce qui veut dire qu’il s’agit en général d’un membre de la famille proche (les jumeaux sont en principe histocompatibles) ; l’autogreffe, qui utilise la propre moelle du patient, prélevée avant la réalisation d’un traitement dont on sait qu’il va placer le patient en aplasie, comme dans certaines chimiothérapies lourdes).
En France, la greffe de moelle, gratuite comme tous les dons d’organes dans notre pays, est gérée par l’Agence de la Biomédecine/Registre France Greffe de Moelle.
Article publié le 27 avril 2015