Ces deux adjectifs sont en général accolés au substantif « infection » ; ils font alors référence au lieu de contamination.
Le chiffre de 4000 décès annuels par infection nosocomiale est fréquemment avancé dans les médias, notamment par le Ministère de la Santé. J’ignore quelle est la source exacte de ce chiffre, qui paraît considérable, puisque c’est approximativement le nombre de morts par accident de la route chaque année en France. Mais peut-on savoir précisément si un patient décède « de » son infection ou simplement « avec » celle-ci ? Je n’ai pas la réponse.
Communautaire
Stricto sensu, une infection communautaire se propage dans une population vivant dans un espace relativement confiné, comme un immeuble, une caserne, une crèche, bref une communauté… Elle est en règle générale provoquée par le développement de germes qui ont colonisé les canalisations d’eau ou le système de ventilation, comme c’est le cas pour la maladie du légionnaire, autrement dit la légionellose.
Mais un problème de terminologie se pose quand la légionellose se développe dans une structure hospitalière, comme ce fut le cas lors de la mise en service de l’Hôpital européen Georges Pompidou à Paris : infection communautaire ou nosocomiale ?
En pratique, l’expression infection communautaire n’est plus guère employée que par opposition à infection nosocomiale ; si ce n’est pas l’une, c’est donc forcément l’autre…
Nosocomial
L’étymologie de cet adjectif (qui ne correspond à aucun substantif recensé) explique clairement sa signification : nosocomium, en latin, désigne en effet un hôpital, mot dérivant lui-même de deux racines grecques : nosos, maladie, et komein, soigner. Le sens du mot est donc relatif aux hôpitaux ; une erreur médicale survenue pendant le séjour d’un patient pourrait ainsi être qualifiée de nosocomiale.
Mais l’usage veut que l’on réserve en pratique cet adjectif aux infections contractées dans un établissement de soins.
Il faut préciser que l’expression établissement de soins est à prendre au sens large du terme, puisqu’il peut s’agir non seulement d’un hôpital public ou d’une clinique privée, mais également d’un cabinet médical.
Infection nosocomiale
Une infection nosocomiale est une infection contractée lors d’un séjour dans un établissement de santé. Elle est absente au moment de l’admission, information dont on ne dispose pas nécessairement. On considère qu’une infection est nosocomiale si elle apparaît après 48 heures d’hospitalisation ; avant la 48ème heure, on estime qu’elle était en incubation, et qu’elle n’est donc pas nosocomiale. CQFD...
En fonction du mode de transmission, on distingue des infections endogènes, dans lesquels le patient s’infecte avec ses propres germes, comme ceux qui sont présents sur sa peau, et des infections exogènes, dans lesquelles les germes sont transmis par le milieu ambiant hospitalier, notamment à partir de patients déjà infectés et présents dans la structure. Ce dernier mode est très fréquent dans les services de réanimation, qui regorgent de patients infectés ; ceux qui ne le sont pas ne tarderont vraisemblablement pas à le devenir.
Les infections nosocomiales les plus fréquentes touchent, dans cet ordre décroissant, l’appareil urinaire, les voies respiratoires, le site opératoire et le système sanguin (bactériémie et septicémie). Les infections urinaires, qui sont les plus fréquentes, ne sont pas les plus graves, loin de là.
Les trois germes le plus souvent en cause sont le colibacille (Escherichia coli), le staphylocoque doré (Staphylococcus aureus) et le bacille pyocyanique (Pseudomonas aeruginosa). Certains de ces germes font partie de la catégorie des bactéries multi-résistantes, autrement dit les BMR, particulièrement redoutées.
Les infections nosocomiales font l’objet d’une surveillance attentive, notamment grâce à des réseaux comme le Réseau d’alerte, d’investigation et de surveillance des infections nosocomiales, familièrement dénommé RAISIN.
Infection associée aux soins (IAS)
Infection associée aux soins est, grosso modo, synonyme d’infection nosocomiale, à cette réserve près que l’on peut, par exemple, contracter la grippe pendant son séjour à l’hôpital ; certes c’est une infection nosocomiale, mais en rendre responsables les soins prodigués serait à l’évidence un abus de langage…
En parlant d’infection liée aux soins, on fait référence aux circonstances particulières de la contamination, et non plus au lieu dans lequel elle est survenue.
Une infection est considérée comme associée aux soins si elle survient chez un patient au cours ou au décours d’une prise en charge, qu’elle soit diagnostique, thérapeutique, palliative, préventive ou éducative, à condition qu’elle n’ait été ni présente ni en incubation au début de la prise en charge.
Les infections liées aux soins se déclinent par site infecté, comme par exemple le site opératoire dans les infections du site opératoire, appelées familièrement ISO. Les ISO font régulièrement l’objet d’enquêtes de prévalence commanditées par les CCLIN (cf. infra)
Il faut noter que les IAS concernent en premier lieu les patients, mais également les professionnels de santé, comme lors des accidents d’exposition au sang (AES).
CLIN (Comité de lutte contre les infections nosocomiales)
L’acronyme CLIN (prononciation syllabique) désigne l’instance chargée de lutter, au sein des établissements de soins, contre les infections nosocomiales. Sa tâche essentielle est d’ordre préventif : la lutte contre les infections nosocomiales consiste essentiellement à éviter qu’elles n’apparaissent. Le traitement des infections avérées ne fait pas partie des attributions du CLIN.
Les tâches principales d’un CLIN sont la rédaction et la diffusion de protocoles, la vérification qu’ils sont effectivement respectés, et le calcul d’un certains nombre d’indicateurs comme l’ICALIN (indicateur composite de lutte contre les infections nosocomiales), qui en est à sa version 2.
Ce que l’on peut regretter avec la plupart des indicateurs utilisés, c’est qu’ils mesurent essentiellement l’importance des moyens mis en œuvre pour prévenir les infections nosocomiales, alors qu’il pourrait sembler plus pertinent d’utiliser les résultats observés, à savoir les chiffres indiquant la réalité de l’incidence et de la prévalence de ces complications infectieuses dans un établissement donné. En poussant le raisonnement jusqu’à l’absurde, on pourrait aboutir à un résultat surprenant, à savoir que les établissements mettant en œuvre de gros moyens parce qu’ils ont un taux très élevé d’infections nosocomiales auraient de meilleures notes que ceux qui en mobilisent peu parce qu’ils ont spontanément un taux très bas d’infections. Ce serait vraiment le monde à l’envers.
Je voudrais citer une anecdote personnelle : à l’époque où les CLIN commençaient à se généraliser, un patient m’a demandé si la structure dans laquelle je travaillais disposait d’un CLIN. La réponse était évidemment oui, mais le fait de poser la question laissait transparaître l’inquiétude de ce patient. C’est dire à quel point toutes ces notions de prévention des complications infectieuses sont importantes pour la plupart des personnes qui se rendent dansun établissement de soins pour s’y faire soigner.
CCLIN (Centre de coordination de lutte contre les infections nosocomiales)
Les CCLIN ont été créés en 1992, et les ARLIN (Antennes régionales de lutte contre les infections nosocomiales) en 2006. Tout cela est structuré en un Réseau CClin – Arlin, qui a vu le jour en 2009.
Le territoire français, aussi bien métropolitain qu’ultramarin, est divisé en cinq CCLIN : Paris-Nord, Est, Ouest, Sud-est et Sud-ouest. Chaque CLIN dépend d’un CCLIN, sachant que chacun des 2800 établissements de soins français est tenu d’avoir le sien. Les infections nosocomiales n’ont plus qu’à bien se tenir !
La carte qui montre l’organisation de cette répartition est consultable sur le site /www.cclin-arlin.fr, qui comporte une intéressante page d’informations grand public.
Indemnisation des infections nosocomiales
Même si certaines infections nosocomiales peuvent conduire au décès du patient (rappelons un cas tristement célèbre, celui de Jean Luc Lagardère), la plupart d’entre elles sont parfaitement bénignes, ce qui n’empêchent pas certains patients de les vivre comme parfaitement inadmissibles, et donc justifiant à leurs yeux une demande de réparation du préjudice qu’ils estiment avoir subi.
La « loi About » du 30 décembre 2002 est venue compléter dans ce domaine la « loi Kouchner » du 4 mars 2002 relative aux droits des patients. Il est prévu depuis un double mécanisme d’indemnisation des infections nosocomiales : pour celles qui sont considérées comme légères (AIPP <25%), l’établissement en question est présumé responsable ; pour celles qui sont considérés comme graves (AIPP>25%), c’est la solidarité nationale qui est sollicitée, par l’intermédiaire d’un organisme appelé « ONIAM » (Office national d’indemnisation des accidents médicaux).
Une petite précision est nécessaire : AIPP signifie atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique.
Article publié le 3 novembre 2014