Schématiquement, un système est un ensemble d’éléments qui interagissent entre eux de manière coordonnée, selon des règles précises. Quand un système ainsi défini dysfonctionne dans notre organisme, on assiste à l’émergence d’une maladie de système, dont s’occupe la spécialité de médecine interne.
La définition d’une maladie de système est assez ambiguë, car nous verrons que les maladies systémiques concernent plutôt des affections qui touchent un tissu particulier, comme le tissu conjonctif, présent dans plusieurs systèmes, que des maladies d’un système précis, au sens anatomique du terme. La médecine interne s’intéresse avant tout aux maladies situées à l’intersection de plusieurs spécialités.
Système
En anatomie et en physiologie, un système est un ensemble de cellules, de tissus et d’organes qui concourent à la mise en œuvre d’une fonction particulière. On parle ainsi de système cardio-vasculaire, de système nerveux central, de système nerveux autonome, de système endocrinien ou encore de système immunitaire. Dans d’autres cas, on emploie plus volontiers le terme appareil, pour désigner par exemple l’appareil locomoteur ou l’appareil digestif. Mais les deux termes (système et appareil) ont grosso modo la même signification.
Il faut établir une différence entre les systèmes qui sont constitués in fine par des organes spécifiques, comme le système cardio-vasculaire (le cœur et les vaisseaux) ou le système endocrinien (les glandes endocrines), et ceux qui sont constitués essentiellement d’un tissu particulier réparti dans tout l’organisme, et que l’on trouve dans différents organes non spécifiques, comme le tissu conjonctif ou les cellules constituant le système immunitaire.
Dans le premier cas, la maladie concernée appartient au champ d’application d’une discipline particulière : cardiologie et angiologie pour les maladies du cœur et des vaisseaux, endocrinologie pour les affections du système endocrinien, ou encore gastro-entérologie pour une maladie du tube digestif.
Dans le second cas, un processus pathologique va pouvoir toucher plusieurs organes possédant le même tissu, ce qui donne une maladie de système, qui touche en fait plusieurs appareils simultanément. Ces maladies systémiques qui sont aux confins de plusieurs spécialités sont le terrain de jeu privilégié des médecins internistes.
Maladie de système (maladie systémique)
Les maladies de système, ou maladies systémiques sont, pour la plupart, des affections du tissu conjonctif, lequel représente les deux tiers de notre masse corporelle. Comme le tissu conjonctif est riche en collagène, on qualifie souvent ces maladies de collagénoses. En anglais, le tissu conjonctif s’appelle connective tissue, ce qui explique que ces affections soient également dénommées connectivites.
Les plus connues d’entre elles sont le lupus érythémateux disséminé (LED) et la sclérodermie, affections à tropisme cutané, la polyarthrite rhumatoïde (PR), à manifestations rhumatologiques prédominantes, la sarcoïdose (maladie de Besnier Boeck Schaumann ou BBS), qui atteint les poumons au premier chef, la périartérite noueuse (PAN), qui touche préférentiellement les vaisseaux, le syndrome de Goujerot-Sjögren ou « syndrome sec », qui touche les glandes lacrymales et salivaires.
On le voit, la prise en charge de ces affections pourrait relever de différentes spécialités comme la dermatologie, la rhumatologie, la pneumologie ou encore l’angiologie. Mais elles ressortent aussi de la médecine interne du fait que chacune d’entre elles déborde sur plusieurs appareils, et donc d’autres spécialités.
Les causes des maladies de système ne sont pas toujours bien connues, mais nombre d’entre elles sont des affections dites auto-immunes.
Maladie auto-immune
Le système immunitaire est un système biologique qui permet à l’organisme de différencier le « soi » (tout ce qui est endogène) du « non-soi » (ce qui est exogène), de manière qu’il puisse se défendre contre le « non-soi », essentiellement des micro-organismes pathogènes (virus, bactéries, parasites), et des molécules toxiques. Pour cette tâche, l’organisme mobilise les moyens de défense spécifique que sont les lymphocytes et la production d’anticorps.
Le système immunitaire a donc pour rôle physiologique de s’attaquer aux antigènes exogènes. Mais il arrive que, pour des raisons très mal connues, ce système dysfonctionne, et s’en prenne à des constituants endogènes, qu’il identifie à tort comme « non-soi », en fabriquant des auto-anticorps : c’est l’auto-immunité, processus pathologique à l’œuvre dans les maladies dites auto-immunes, qui sont considérées, pour la plupart d’entre elles, comme des maladies de système car elles affectent un système diffus, présent dans de nombreux organes, le système immunitaire.
Il existe de très nombreuses affections considérées comme auto-immunes, notamment le diabète de type I (le diabète juvénile, insulino-dépendant), la sclérose en plaques, certaines thyroïdites (notamment celle d’Hashimoto), la maladie de Crohn, ainsi que la plupart des collagénoses citées au paragraphe précédent.
Les maladies qui touchent préférentiellement un système sont du ressort de la discipline concernée (diabétologie, neurologie, endocrinologie et gastro-entérologie pour les maladies citées) ; les collagénoses relèvent de la spécialité de médecine interne.
Médecine interne
La médecine conventionnelle fonctionne par organes et systèmes ou appareils, avec des spécialistes pour chacun d’entre eux : cardiologie, dermatologie, endocrinologie, neurologie, etc. On parle volontiers de médecine d’organes. A la base de la pyramide se trouve le généraliste (qui est devenu spécialiste en médecine générale), premier médecin que le patient consulte, et qui doit donc avoir une vue d’ensemble du patient grâce à des connaissances dans toutes les spécialités. Il prend en charge lui-même les cas simples, et adresse au spécialiste concerné les cas complexes.
Mais ce schéma n’est pas adapté aux maladies de système, car elles sont situées aux confins de plusieurs spécialités, aucune d’entre elles n’ayant une vision globale du patient. Le recours est alors le médecin interniste, spécialiste en médecine interne, que l’on peut considérer plutôt comme un « super-généraliste » que comme un spécialiste de plus. Mais cette spécialité indispensable pour prendre en charge les cas complexes que sont les maladies de système et les maladies auto-immunes (nous avons vu que ces deux expressions se chevauchent souvent) n’est pas assez représentée en France.
Je termine par une question dont je n’ai pas la réponse : pourquoi « interne » pour qualifier cette médecine générale hyperspécialisée ?
Article publié le 12 octobre 2015