La cause d’une maladie, c’est son étiologie. Quand on ne la connaît pas, on parle d’une maladie idiopathique.
La recherche des causes est un des grands problèmes qui se pose aussi bien aux philosophes et aux scientifiques qu’aux médecins. Ce problème a été bien posé par le philosophe allemand Leibnitz, avec sa célèbre question : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? En médecine, le fait de trouver une cause permet de proposer un traitement plus efficace, car étiologique.
Les questions « pourquoi ? » et « comment ? » sont aussi importantes en philosophie et en science qu’en médecine.
Étiologie
L’étiologie est l’étude des causes des maladies et des facteurs qui les influencent. On parle aussi d’étiopathogénie, dans la mesure où l’on emploie souvent (et à tort) pathologie comme synonyme de maladie, alors qu’en réalité la pathologie est la discipline médicale qui traite des maladies (la même remarque peut être faite pour le terme thérapeutique, qui désigne la discipline qui s’intéresse aux traitements, mais que l’on utilise souvent pour parler d’un traitement en particulier).
Chaque effet étant supposé avoir une cause, et une maladie est un effet, on peut essayer de remonter de proche en proche l’enchaînement des causes. En philosophie, on bute toujours sur le mystère de la cause première, celle qui n’a pas de cause. Et si l’on répond que la cause première, c’est Dieu, alors on n’a fait que déplacer le problème, la question devenant alors « pourquoi Dieu ? ». C’est essayer de répondre à un mystère obscur par un mystère encore plus obscur.
En médecine, on est souvent satisfait d’avoir trouvé une cause à un état pathologique, comme par exemple le fait qu’une maladie soit déclarée auto-immune. Mais on risque fort de ne pas pouvoir répondre à la question « pourquoi l’auto-immunité s’est-elle déclenchée ? ».
Diagnostic étiologique
La démarche diagnostique consiste d’abord à identifier le problème : diagnostic positif, après avoir éliminé d’autres possibilités : diagnostic différentiel. Une fois établi le diagnostic positif (une fois le diagnostic « posé »), reste à essayer d’en identifier la cause : diagnostic étiologique.
Prenons un cas d’école, celui du diagnostic d’une anémie. Le diagnostic positif d’anémie est facile à faire, puisqu’il suffit de constater sur la NFS (numération – formule sanguine) que le taux d’hémoglobine est inférieur à la norme basse. Une étude plus approfondie des résultats de cette NFS permet de ranger cette anémie dans une catégorie particulière, permettant par exemple d’identifier une anémie par saignement. Reste à déterminer la cause du saignement ; c’est cette recherche qui permet d’établir un diagnostic étiologique de l’anémie, par exemple en mettant en évidence un ulcère duodénal hémorragique. On peut encore remonter d’un cran dans l’étiologie, en essayant de comprendre pourquoi le patient a déclenché un ulcère, notamment en mettant en évidence une bactérie appelée Helicobacter pylori. Mais on s’arrêtera là, car il n’est en général pas possible de savoir pourquoi ce germe est devenu pathogène (et on évoquera le stress, explication toujours un peu facile dans la mesure où quasiment tout le monde est stressé à un moment ou à un autre).
Autre exemple : dire qu’un enfant a une angine, c’est poser un diagnostic positif ; assurer qu’il s’agit d’une angine virale, c’est établir un diagnostic étiologique, un virus étant ici la cause de l’angine.
Idiopathique
Alors qu’étiologique est l’adjectif relié au substantif étiologie, idiopathique ne dérive d’aucun substantif : l’idiopathie n’existe pas (contrairement à l’idiosyncrasie). Idiopathique appartient au champ lexical de la nosographie, c’est-à-dire la discipline qui classe les maladies.
En grec ancien, idiopatheia signifie « maladie que l’on éprouve pour soi-même ». En français médical, un symptôme idiopathique existe par lui-même, sans être relié à une maladie particulière. Mais le plus souvent on qualifie d’idiopathique une maladie dont on n’a pas pu retrouver la cause malgré une enquête approfondie.
Au patient qui pose la question « pourquoi ai-je attrapé cette maladie ? », la réponse qui lui est faite par le médecin est malheureusement « je ne sais pas ! », s’agissant d’une maladie idiopathique, réponse jamais satisfaisante pour les patients, qui attendent le plus souvent que la médecine soit une science exacte qui répond à toutes les questions, pourvu qu’elles soient d’ordre médical. Un exemple tout bête : la plupart des patients à qui l’on enlève un lipome sous-cutané demandent, non pas ce qu’est un lipome, mais pourquoi il a poussé. Ils sont toujours étonnés d’apprendre que l’on n’en sait strictement rien.
Pathogénèse, pathogénie, pathogénésie
Ces trois synonymes désignent l’ensemble des processus qui expliquent le déclenchement et le développement des maladies en général. Un bon exemple est l’étude de la cancérogénèse, autrement dit des mécanismes qui expliquent la transformation d’une cellule normale en cellule cancéreuse. On est plus ici dans le domaine de la de recherche fondamentale que dans celui de la pratique clinique. On comprend bien qu’il ne s’agit pas de la même chose que l’étiologie, qui s’applique plutôt aux explications valables pour un patient donné.
Pourquoi ? Comment ?
La plupart des patients cherchent à comprendre pourquoi ils sont tombés malades. Il arrive qu’ils connaissent la réponse, ou en tout cas qu’ils s’en doutent : un gros fumeur sera consterné, mais pas surpris, d’apprendre qu’il est atteint d’un cancer du poumon, et un alcoolique conscient de son addiction (ils le sont rarement) ne s’étonnera pas d’apprendre qu’il a une cirrhose.
Mais ce que les patients veulent savoir, c’est en général pourquoi « ça » leur est tombé dessus ; pourquoi eux, et pas leur voisin qu’ils détestent, et qui, selon eux, l’aurait plus mérité qu’eux-mêmes (je caricature un peu). Il est évident qu’il n’y a pas de réponse médicale à cette question qui est plutôt d’ordre philosophique.
Je me souviens encore d’un patient qui vivait comme un ermite, ne faisant aucun excès, et qui trouvait particulièrement injuste que ce soit lui qui ait attrapé un cancer du côlon, alors que son frère jumeau, qui, selon lui, menait une vie de débauche, en était indemne. Si la santé était une question de justice, cela se saurait !
En y réfléchissant bien, il y a deux façons de se poser la question des causes. On peut se demander « pourquoi », ou « comment ? », ce qui n’est pas tout-à-fait la même question, malgré les apparences.
La science en général, et la médecine en particulier (dans la mesure où elle est une science), répondent plutôt à la question du comment. Exemple médical : la carcinogénèse explique comment naissent et se développent les cancers. Exemple scientifique : l’astrophysique explique comment l’univers s’est créé. Mais elles ne répondent pas vraiment à la question posée, à savoir le pourquoi des choses : pourquoi M. X est-il tombé malade du cancer, ou, plus globalement, pourquoi le big bang ? Cela ramène à la question du philosophe Leibnitz : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?
Traitement étiologique
Lorsque l’on connaît la cause d’une maladie, on peut lui opposer un traitement spécifique, qui sera plus efficace que le simple traitement symptomatique : c’est le traitement étiologique. Pour revenir à notre exemple concret de l’angine, le traitement antibiotique ne sera proposé que si elle est d’origine bactérienne, les antibiotiques étant inefficaces contre les virus. Et pour l’exemple de l’anémie par saignement d’un ulcère duodénal, le traitement étiologique sera un traitement antiacide (traitement étiologique de l’ulcère), associé à un traitement antibiotique spécifique si le test détectant la présence Helicobacter pylori est positif. Le traitement de l’anémie relève, quant à lui, de la transfusion ou d’un traitement « martial » (prise d’un médicament à base de fer).
Article publié le 7 mai 2018