Ces trois termes, reliés entre eux, s’appliquent pourtant à des domaines différents.
Une situation de crise est une situation critique ; mais on peut aussi être critique, ou critiquer ; quant à la criticité, elle s’applique à la gestion des risques.
Crise
Le mot crise (crisis en latin, krisis en grec) a de très nombreuses acceptions, dans de nombreux domaines, y compris le domaine sanitaire qui nous intéresse ici. D’une manière générale, une crise est soit un moment difficile à passer soit une manifestation violente.
En pathologie, ce terme est réservé à la manifestation aiguë d’un état pathologique : crise d’appendicite ou de cholécystite, de goutte ou d’arthrose, d’épilepsie ou de démence, d’urémie, crise de foie (colique hépatique), etc.
En psychologie, une crise désigne des troubles liés à un évènement (périodes courtes) ou à une étape de la vie (périodes longues): crise d’angoisse ou de panique pour les premières (on parle aussi d’attaque de panique) ; crise d’adolescence, crise de la quarantaine, crise existentielle pour les secondes.
Dans le domaine de la nutrition, il existe des crises alimentaires dues à l’ingestion d’aliments impropres à la consommation. Tout le monde a en mémoire la panique générée par la crise de la vache folle, ou, à un moindre degré, la crise provoquée par la présence de viande de cheval dans des plats cuisinés, à la place attendue de viande de bœuf.
Plus généralement, une crise sanitaire correspond à la dégradation de l’état de santé d’une partie d’une population, telle que peuvent en provoquer épidémies et pandémies, médicaments ou vaccins contaminés, pollués ou contrefaits, catastrophes climatiques (tsunami, tremblement de terre, sécheresse…), irradiation accidentelle comme après Tchernobyl ou Fukushima, etc.
Une situation de crise est dite critique. Pour en sortir, il est d’usage de déployer une « cellule de crise ».
Critique et critiquer
Critique est donc l’adjectif associé au substantif crise. Un patient dans un état critique est un malade dont le pronostic vital est engagé.
Mais c’est aussi un substantif et un adjectif reliés au verbe critiquer. Avoir l’esprit critique, c’est-à-dire être capable de peser objectivement le pour et le contre, ou d’émettre un critique, est une des qualités nécessaires à l’exercice de la médecine, discipline dans laquelle il faut savoir aller au-delà des apparences et des certitudes.
On rappelle ici l’aphorisme célèbre « La critique est aisée, et l’art est difficile », qui colle tellement bien à l’art médical, si difficile, et si prompt à être critiqué, au besoin devant les tribunaux. Ce vers célèbre est tiré d’une pièce oubliée d’un auteur dramatique tout aussi oublié du XVIIIème siècle, Philippe Néricault dit Destouches. Et pourtant, on devrait se souvenir de lui car deux autres de ses vers sont passés à la postérité sous forme de maximes : « Les absents ont toujours tort », et « Chassez le naturel, il revient au galop ».
Criticité
La criticité est un terme de la gestion des risques, ou, pour le dire de manière pédante, de la « cindynique », ensemble des sciences qui étudient les risques, autrement dit la « science du danger ». On ne s’intéresse qu’au risque « aryétique », c’est-à-dire à conséquences négatives.
Evaluer un risque constitue à en mesurer la criticité, qui est le produit de sa probabilité d’apparition (sa fréquence), par sa gravité : c’est la matrice de criticité.
On donne à chacun de ces deux paramètres des valeurs allant de 1 à 4 ou 5, ce qui donne :
- pour la fréquence ; 1 = très improbable ; 2 = Improbable (rare) ; 3 = probable (occasionnel) ; 4 = très probable (fréquent) ;
- pour la gravité : 1 = faible ; 2 = moyenne ; 3 = grave ; 4 = très grave.
La criticité va donc, dans cette matrice, de 1 à 16.
Rappelons ici une notion pas toujours bien comprise, à savoir la différence entre un danger et un risque (un article de cette encyclopédie est consacré à la gestion des risques). Un danger, ou situation dangereuse, est une réalité observable et présente ; la mer, la montagne sont dangereuses ; un risque est un concept, le résultat d’une estimation, qui concerne l’avenir. Un risque n’étant pas un fait, ne peut pas être prévenu, contrairement à ce qu’annonce l’expression « prévention des risques ». Un risque est un problème, et, à ce titre, se traite par une démarche appelée « gestion des risques ».
Article publié le 29 février 2016