L’anorexie, la boulimie et l’orthorexie sont des troubles des conduites alimentaires (TCA), dont la forme la plus grave est représentée par l’anorexie mentale.
De façon curieuse, on n’a jamais autant fait attention à notre alimentation qu’en ce début de XXIème siècle, avec la multiplication de régimes amaigrissants parfois farfelus, et nous sommes cependant confrontés à une augmentation galopante de l’obésité, qui s’explique en partie par des comportements alimentaires déviants.
Anorexie
L’anorexie est à la fois un symptôme et une maladie, l’anorexie mentale.
En tant que symptôme, l’anorexie (anorexia en grec, absence de désir) est une perte de l’appétit, qui est une des manifestations de l’altération de l’état général.
Les causes de l’anorexie sont nombreuses : organiques (cancers évolués), psychologiques (dépression), voire médicamenteuses (certains médicaments sont anorexigènes, mais aussi certains sevrages médicamenteux).
Si l’anorexie dure trop longtemps, elle peut conduire à la dénutrition et à la malnutrition.
Un sujet qui souffre d’anorexie est indifféremment anorexique ou anorectique. Un produit qui provoque l’anorexie est un anorexigène.
Il est fréquent que les personnes âgées souffrent d’anorexie, associée à une diminution de la sensation de soif, source possible de déshydratation en période de forte chaleur. L’anorexie des personnes âgées est souvent sélective, avec un manque habituel d’appétence pour les protéines d’origine animale (viande).
L’anorexie doit être distinguée d’autres symptômes proches liés à l’alimentation comme les nausées (dégoût pour la nourriture) ou la dysphagie (difficulté à avaler les aliments).
Anorexie mentale
L’anorexie mentale, c’est tout autre chose : il s’agit d’un trouble psychopathologique complexe et grave, dans lequel il n’y a pas d’anorexie au sens de perte d’appétit (il peut même y avoir de la boulimie) mais, au contraire, une lutte désespérée contre la faim et l’absorption alimentaire.
Cette affection mentale touche prioritairement des adolescentes atteintes de dysmorphophobie, qui est une perturbation de l’image corporelle : bien qu’elles soient souvent d’une maigreur extrême, elles se trouvent toujours trop grosses, et utilisent toutes sortes de subterfuges pour limiter leurs apports alimentaires : vomissements provoqués, emploi de laxatifs ou de diurétiques…
Parmi les causes invoquées, on retient l’influence de la mode, avec défilés de mannequins anorectiques (anorexiques), et le « syndrome de la poupée Barbie », dont la morphologie exagérément longiligne ne correspond à aucune anatomie réelle.
L’anorexie mentale est une maladie grave, qui amène fréquemment les patientes qui en souffrent à la mort par suicide.
Boulimie
La boulimie (du grec boulimia, faim de bœuf) est un trouble des conduites alimentaires (TCA) caractérisé par un rapport pathologique à la nourriture, qui est ingérée massivement, pendant des crises répétées, dites crises de boulimie. La crise n’est pas spécialement déclenchée par une sensation de faim (fringale), et n’est donc pas calmée par la satiété.
Cette conduite boulimique faite de compulsions alimentaires est considérée comme une forme d’addiction, et déclenche souvent chez le boulimique un sentiment de dégoût de soi ou de colère.
Le boulimique combat souvent son comportement déviant en se faisant vomir, ce qui peut aboutir à une perte de poids importante, comme dans l’anorexie mentale. On parle d’ailleurs d’anorexie – boulimie.
La boulimie et l’anorexie mentale sont en fait étroitement liées, et partagent souvent les mêmes causes, la même gravité, ainsi que les mêmes mesures thérapeutiques.
Toutes les compulsions alimentaires ne relèvent pas de la boulimie, comme la fringale, qui est une sensation de faim subite et irrépressible, qui peut aboutir à l’obésité si elle est répétitive.
Signalons que, dans le langage courant, la boulimie est confondue avec la gloutonnerie. Le glouton (le boulimique, dans ce sens), est quelqu’un qui a l’habitude d’engloutir la nourriture.
On notera également que le mot aboulie (aboulia en grec), qui signifie affaiblissement de la volonté, n’est pas fondé sur la même étymologie que boulimie, et n’appartient donc pas au même registre sémantique, malgré les apparences phonétiques.
Orthorexie
Contrairement à l’anorexie et à la boulimie, qui ne concernent que la quantité d’aliments ingérés, l’orthorexie se concentre sur leur qualité : il s’agit pour l’orthorexique de ne consommer que des aliments réputés sains, et de bannir ceux qui sont jugés (sur quels critères ?) comme malsains (ceux qui sont visés par ce que l’on appelle couramment la « malbouffe »).
L’orthorexie (du grec orthos, correct, et orexis, appétit) a été décrite récemment (1997) par Steven Bratman, qui la considère comme un trouble des conduites alimentaires ; cependant, elle ne figure pas dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), référence nosographique en psychiatrie.
L’orthorexique peut se montrer tellement obsédé par son idée fixe d’une nourriture saine qu’il est menacé d’une part par la malnutrition, d’autre part par l’isolement social, ses pratiques alimentaires étant peu compatibles avec la vie en société.
On peut considérer, à la rigueur, comme relevant d’une orthorexie a minima certaines pratiques alimentaires fréquentes, comme le végétarisme et ses dérivés, ou le choix d’une alimentation « bio » exclusive : ces pratiques sont en effet considérées, par leurs défenseurs, comme permettant de mieux se nourrir, même si d’autres motivations sont à l’œuvre (défense des animaux, agriculture respectant les principes de l’écologie).
Autres troubles des conduites alimentaires
Il existe d’autres troubles des conduites (ou des comportements) alimentaires, les TCA, que les trois que nous venons d’évoquer.
Il s’agit de troubles psychopathologiques qui touchent préférentiellement les enfants et les adolescents, plus souvent de sexe féminin.
Sans entrer dans les détails, on peut citer :
- Le pica, ingestion chronique (plus d’un mois) de substances non comestibles et non nutritives (craie, papier, plastique, sable, terre…).
- Le mérycisme, régurgitation volontaire et répétée des aliments, associée à la remastication de ces aliments. Ce comportement évoque la rumination.
- La sitiomanie, besoin impérieux d’ingérer de grandes quantités de nourriture, qui devient un élément addictogène. Contrairement à la boulimie, il n’y a pas de périodes de vomissements, ce qui entraîne une prise de poids.
- L’hyperphagie est un autre nom de la sitiomanie.
- Le syndrome de sélection alimentaire (anorexie sélective de l’enfant) et les néophobies alimentaires, comme la carpophobie (peur irrationnelle des fruits).
Bref, l’éventail des comportements alimentaires qui sortent de la norme est très vaste.
Article publié le 23 mai 2016