Ces deux expressions font partie du jargon de l’Assurance Maladie.
Comme nul ne l’ignore, la santé n’a pas de prix, mais elle a un budget, de plus en plus difficile à boucler. Ce budget doit être établi en tenant compte de deux impératifs a priori contradictoires : d’une part limiter les dépenses de santé pour arrêter de creuser ce que l’on a coutume d’appeler « le trou de la Sécu » ; pour cela il existe un frein, le fameux « ticket modérateur », censé limiter la consommation de soins ; d’autre part, permettre à chacun de pouvoir se soigner correctement, puisque, en France du moins, c’est un des objectifs majeurs de la solidarité nationale, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays comme les Etats-Unis ; le « tiers-payant », qui permet l’accès aux soins pour tous, peut jouer aussi, malheureusement, le rôle non voulu d’accélérateur des dépenses.
Pour employer une métaphore un peu triviale, les dépenses de santé pourraient être comparées à un buffet de restaurant : sa dimension doit être adaptée au nombre de convives, qui ne cesse d’augmenter ; mais chacun sent bien que l’assiette ne sera pas remplie de la même façon par le consommateur s'il paye chaque aliment qu’il y met (ticket modérateur) ou si le buffet est « à volonté » (tiers-payant).
Tout ce qui est écrit dans cet article n’est bien évidemment valable qu’au moment de sa réactualisation (article rédigé en octobre 2014, actualisé en mars 2017), car ces données, notamment les chiffres, sont susceptibles d’évolution ou même de révolution. Il est notamment question d’une probable et prochaine disparition des franchises médicales.
Par ailleurs, cet article est un peu technique est, car il introduit de nombreuses notions, pas toujours bien connues du grand public.
Ticket modérateur
Tout le monde comprend le sens de l’adjectif « modérateur » dans cette expression ; en revanche, j’aimerais que l’on me dise pourquoi on a choisi le vocable « ticket ». Peut-être parce qu’il faut prendre un ticket pour obtenir certains services, comme pour accéder à un guichet de la CPAM ?
Le plus simple est de donner ici la définition que l’on trouve sur le site www.ameli.fr de l’Assurance Maladie (légèrement adaptée car le site s’adresse directement à l’assuré social).
« Le ticket modérateur est la partie des dépenses de santé qui reste à la charge de l’assuré social après le remboursement par l’Assurance Maladie. Son taux varie en fonction des actes réalisés et des médicaments prescrits, de la situation de l’assuré, et du respect ou non du parcours de soins coordonnés. La complémentaire santé de l’assuré peut prendre en charge tout ou partie du montant du ticket modérateur. »
Précisons que les dépassements d’honoraires ne sont pas inclus dans le ticket modérateur, pas plus que les suppléments hôteliers. Aucun de ces suppléments n’est remboursé par l’Assurance Maladie, quelque soit la situation du patient, telle une affection de longue durée (ALD).
Je reprends ici l’exemple donné par notre ami(e?) « ameli », qui concerne le ticket modérateur de la consultation de votre médecin traitant. Jusqu'au 30 avril 2017, une consultation chez un médecin généraliste conventionné en secteur 1 coûte 23 €. Cette consultation est remboursée à hauteur de 70%, ce qui fait 16,10 €. Il convient de déduire 1 € au titre de la participation forfaitaire « solidaire » ; cet euro, tout comme la taxe de séjour dans un hôtel, est un impôt qui ne dit pas son nom. Le ticket modérateur à la charge du patient est donc de 7,90 €. CQFD… Au 1er mai 2017, elle passera à 25 €.
Majoration du ticket modérateur
L’Assurance Maladie majore le ticket modérateur en cas de non respect du « parcours de soins coordonnés », qui oblige chaque assuré social à déclarer un médecin traitant (désigné naguère comme médecin « référent »), et à ne consulter que lui ; c’est ce médecin traitant qui vous adressera le cas échéant à un spécialiste, sauf pour les quelques spécialités dites « à accès direct », comme l’ophtalmologie, la gynécologie, la stomatologie ou la psychiatrie ; et encore, pour chacune de ces spécialités, l’accès direct n’est possible que dans des indications précises.
Si l’on reprend l’exemple de la consultation d’un généraliste, le remboursement de la consultation passera de 70% à 30% en cas de non respect de la règle.
Les majorations du ticket modérateur ne sont généralement pas remboursées par les mutuelles complémentaires.
Exonération du ticket modérateur
Différentes circonstances permettent à un assuré social de ne pas avoir à payer le ticket modérateur ; il en est donc « exonéré ».
On distingue deux situations différentes : l’exonération d’ordre administratif et l’exonération d’ordre médical.
L’exonération pour motif administratif comprend un grand nombre de circonstances, comme une hospitalisation de plus de 30 jours, certains actes de prévention ou dépistage organisé, les rentiers d’accident du travail ou de maladie professionnelle avec un taux d’IPP d’au moins 66%, etc…
L’exonération pour raison médicale concerne essentiellement (mais pas uniquement) les affections de longue durée (ALD), pour les soins en rapport avec l’ALD en question. Par convention on parle d’ALD 30 (pour 30 affections répertoriées, en fait seulement 29 !).
Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez vous rendre sur le site www.smamform.fr.
L’exonération peut s’étendre aux diverses dispositions expliquées ci-dessous, notamment pour les titulaires de la CMU (couverture maladie universelle) ou de l’AME (aide médicale de l’Etat).
Participation forfaitaire de 1 euro
Il s’agit d’une taxe imposée aux patients de plus de 18 ans, qui s’applique aux actes médicaux (généralistes et spécialistes), aux examens d’imagerie et de laboratoire.
La liste des situations où vous aurez à la payer étant aussi longue que celle des cas où vous en serez dispensé(e), je vous renvoie au site www.ameli.fr pour en prendre connaissance.
Forfait 18 euros
Pour les actes dont le coût dépasse 120 euros, le ticket modérateur est remplacé par une participation forfaitaire de 18 euros.
Cette disposition concerne des actes réalisés dans le cadre d’une consultation externe, quelque soit le lieu où cette consultation a été faite (cabinet médical, centre de santé, établissement de santé public ou privé). Elle s’applique également aux frais d’une hospitalisation en établissement de santé (clinique, hôpital public ou HAD), pendant laquelle un acte dont le montant dépasse 120 euros a été réalisé, ce qui englobe la très grande majorité des actes chirurgicaux.
Une petite précision sur le pluriel du mot « euro » : vous aurez peut-être noté que, sur les billets de banque, le mot est invariable, du fait que les règles du pluriel varient d’une langue à l’autre utilisée dans la zone euro. En revanche, en français, le mot « euro » est un substantif comme un autre, qui s’écrit « euros » au pluriel.
Forfait hospitalier
Le « forfait hospitalier » représente la participation financière du patient aux frais d’hébergement et d’entretien générés par son hospitalisation. Il est dû pour chaque journée d’hospitalisation, y compris le jour de la sortie.
Son montant, fixé par arrêté ministériel, est actuellement (2014) de 18 euros en clinique privée ou à l’hôpital public. Il n’est pas remboursé par l’Assurance Maladie, mais peut l’être par certaines mutuelles complémentaires.
Vous aurez remarqué que, pour bien jeter la confusion dans les esprits, le montant du forfait hospitalier et celui du forfait « 18 euros » sont les mêmes, alors que ces deux forfaits ne concernent pas les mêmes dépenses de santé.
Remboursement des médicaments, « service médical rendu » (SMR) et « tarif forfaitaire de responsabilité » (TFR)
Essayons d’éclaircir un peu ce jargon technico-administratif !
Tout d’abord, remarquons que, pour le remboursement des médicaments, on parle plus volontiers de « taux de remboursement » que de « ticket modérateur » ; c’est évidemment la même chose, mais exprimé différemment.
Pour qu’un médicament puisse être remboursé, il faut qu’il ait été prescrit, en respectant les indications telles qu’elles sont définies par l’AMM (autorisation de mise sur le marché) obtenue pour le médicament en question. Les médicaments non remboursés peuvent être obtenus sans ordonnance.
Il existe quatre taux de remboursement définis par ce que l’on appelle le « service médical rendu » (SMR), qui est censé mesuré le plus objectivement possible l’efficacité d’un médicament :
- 100% pour ceux qui sont reconnus comme irremplaçables et coûteux ;
- 65% pour les médicaments à SMR majeur ou important ;
- 30% pour ceux dont le SMR est jugé modéré (ce qui inclut les médicaments homéopathiques et certaines préparations magistrales) ;
- 15% pour les médicaments à SMR faible.
- Les autres médicaments ne sont pas remboursés (ou sont « déremboursés » s’ils l’étaient auparavant).
Le ticket modérateur varie donc de 0 à 85% ; il est en général remboursé par les mutuelles, lesquelles, en revanche, ne remboursent rien pour les médicaments non remboursés par l’assurance Maladie.
Les taux de remboursement s’appliquent soit sur la base du prix de vente (prix limite fixé réglementairement), soit sur la base d’un « tarif forfaitaire de responsabilité » (TFR). Ce TFR est calculé à partir du prix des médicaments génériques les moins chers. Autrement dit, si vous refusez le générique (ce qui reste votre droit), vous ne serez remboursé(e) que sur la base du TFR.
Si vous souhaitez plus d’informations, vous pouvez vous rendre sur le site www.medicaments.gouv.fr.
Dans le domaine des assurances, il existe pratiquement toujours la notion de franchise, somme forfaitaire qui reste à la charge de l’assuré, comme lors de la réparation d’une voiture accidentée. En médecine, cette notion est remplacée par le ticket modérateur. Différence essentielle : la franchise est forfaitaire, le ticket modérateur est un pourcentage.
Mais, pour bien compliquer les choses, on a également inventé les « franchises médicales ».
Franchise médicale
La « franchise médicale » est une somme qui est déduite des remboursements de l’Assurance Maladie, qui s’applique sur les médicaments, les actes paramédicaux et les transports sanitaires. Comme je viens de l’indiquer, il s’agit d’une somme forfaitaire. A titre d’exemple, son montant est de 2 euros par transport sanitaire, 1 euro pour la consultation chez le médecin, et 50 centimes par boite de médicament.
Tiers payant
Le tiers-payant est une disposition qui permet à l’assuré social de ne pas avancer tout ou partie des frais d’une prestation. Le « tiers » qui paye est, en l’occurrence, soit l’Assurance Maladie, soit une mutuelle complémentaire, et, à vrai dire, souvent les deux.
En règle générale, quand un patient consulte un professionnel de santé, il le règle immédiatement ; le professionnel procède à la télétransmission de la feuille de soins électronique (FSE), ce qui va permettre le remboursement des frais par l’Assurance Maladie pour la part remboursable, et par la mutuelle complémentaire (laquelle est facultative, rappelons-le) pour le ticket modérateur.
Si le patient bénéficie du tiers-payant, il est dispensé d’avoir à régler immédiatement tout ou partie du coût de la prestation ; si le tiers payant est « partiel », le patient ne règle que le ticket modérateur ; s’il est total, il ne règle rien.
Pour bénéficier du tiers payant, il faut nécessairement présenter une carte Vitale à jour.
Il existe un grand nombre de situations qui ouvrent droit au tiers payant, notamment le fait de bénéficier de la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire), de l’AME (aide médicale de l’Etat), d’être en accident de travail ou en maladie professionnelle.
Mais, en pratique, le tiers payant s’exerce dans de très nombreuses circonstances, telles que l’hospitalisation, la délivrance en pharmacie de médicaments remboursés par l’Assurance Maladie (sauf en cas de refus d’un générique), la réalisation d’examens d’imagerie ou de laboratoire…
Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez consulter le site www.vosdroits.service-public.fr.
Bref, il devient de plus en plus rare en France d’avoir à sortir un moyen de paiement pour se faire soigner, contrairement à certains pays comme les Etats-Unis (on dit souvent que dans ce pays, la carte de crédit est le premier document réclamé à un patient…).
Peut-être faut-il voir là une des causes du déficit de l'Assurance Maladie, les assurés sociaux n'ayant plus aucune idée du coût des prestations médicales dont ils bénéficient ? La question est trop polémique pour que j’y apporte ma réponse personnelle !
Cependant, il me faut dire un mot du projet de tiers-payant généralisé.
Tiers payant généralisé
En 2015, la ministre de la santé, Mme Marisol Touraine, souhaite instaurer progressivement le tiers payant généralisé, mesure à laquelle les médecins libéraux sont particulièrement hostiles, d’où le déclenchement de grèves de médecins. . Il n’est pas certain que cette mesure survive à l’élection présidentielle de 2017.
On cite souvent en exemple le Royaume Uni, pays dans lequel le tiers payant est généralisé pour les patients soignés dans le cadre du NHS. Mais la situation n’est absolument pas comparable, puisque les médecins anglais ne sont pas payés à l’acte, mais au nombre de patients inscrits chez eux, sur une base forfaitaire. Et puis, en Angleterre, il y a aussi une médecine privée, beaucoup plus chère pour les patients, mais avec des délais d’attente beaucoup plus courts…
Article publié le 20 octobre 2014