La connaissance du grec ancien nous apprend que « iatros », dans cette belle langue morte, désigne un médecin. On comprend donc que les mots que nous allons définir ont tout à voir avec l’action médicale.
Un état pathologique est dit iatrogène, ou iatrogénique, quand il a été provoqué par un traitement médical.
Le Haut Comité de la Santé Publique considère comme iatrogène toutes « les conséquences indésirables ou négatives sur l’état de santé individuel ou collectif de tout acte ou mesure pratiqués ou prescrits par un professionnel habilité, et qui vise à préserver, améliorer ou rétablir la santé ». On le voit, cette définition ratisse plutôt large, englobant des situations très variées, y compris quand aucun médecin (aucun « iatros ») n’est intervenu.
Iatrogénie ou iatrogénèse ?
Naguère iatrogénie, aujourd’hui iatrogénèse. En fait, la dénomination ancienne, iatrogénie, est plus souvent rencontrée que la plus récente, iatrogénèse. On le sait, la force de l’habitude fait que les changements de nom sont très longs à s’imposer, et les exemples abondent dans le domaine médical.
On notera que l’on dit « iatrogénèse », avec un accent aigu sur le premier « e », alors que l’on dit « genèse », avec un « e » non accentué quand le mot est utilisé isolément, comme le titre du premier livre de l’Ancien Testament.
Doit-on dire « la iatrogénèse », ou « l’iatrogénèse » ? La seconde option est théoriquement la bonne, mais il faut bien reconnaître qu’elle est moins euphonique (elle sonne beaucoup moins bien) que la première. Alors… ? Personnellement, je préfère « la iatrogénèse », que l’on retrouve d’ailleurs le plus souvent dans la littérature consacrée à ce sujet. Donc, va pour « la iatrogénèse ».
Iatrogène ou iatrogénique ?
En fait, les deux se disent, avec un emploi plus fréquent pour iatrogène. Si l’on veut respecter une certaine logique (mais le langage est-il logique ?), il faudrait associer iatrogène et iatrogénie d’une part, iatrogénique et iatrogénèse d’autre part.
Iatrogénèse : de quoi s’agit-il en fait ?
La iatrogénèse concerne tous les types de traitements. Mais, en pratique, quand on parle de iatrogénèse, c’est en général à celle qui est provoquée par les médicaments que l’on fait référence : la iatrogénèse médicamenteuse, véritable problème de santé publique. On peut l’assimiler à l’ensemble des effets secondaires délétères (néfastes) des médicaments, y compris les plus graves, comme les scléroses en plaques que certains vaccins seraient susceptibles d’induire. Cet exemple est pris à dessein car, dans ce cas, le lien de cause à effet, qui semble toujours évident à ceux qui s’en disent victimes, est particulièrement difficile à prouver scientifiquement.
D’autres exemples sont bien connus de tous : la diarrhée qui ne manque pas d’apparaître après quelques jours d’antibiothérapie est iatrogénique, de même que les manifestations d’allergie ou d’intolérance après la prise de n’importe quel médicament.
On notera qu’un effet secondaire est toujours considéré comme néfaste a priori, alors qu’il est tout-à-fait possible qu’un effet inattendu d’un médicament soit bénéfique ; c’est même comme cela qu’on découvre de nouvelles indications pour des médicaments employés précédemment dans d’autres indications.
En revanche, la iatrogénèse n’est nullement assimilable à une erreur médicale : les effets secondaires des médicaments peuvent survenir même lorsque le médecin a parfaitement respecté l’indication et les règles de bon usage du médicament qu’il a prescrit (mode d’administration, posologie, respect des contre-indications et des associations dangereuses…).
Et d’ailleurs, un médecin n’est pas toujours présent derrière une prise médicamenteuse, notamment en cas d’automédication.
Ce sont les personnes âgées qui sont les plus touchées par ce phénomène, du fait d’une moins bonne élimination des médicaments liée à l’âge, d’une part, des associations médicamenteuses fréquentes chez les personnes âgées (chez qui il n’est pas rare de voir des ordonnances comportant plus de dix médicaments, renouvelées de mois en mois pendant des années) d’autre part. Associer les médicaments risque plus de potentialiser les effets secondaires que d’additionner les effets thérapeutiques.
ANSM et Afssaps
C’est l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé qui était chargée des problèmes de iatrogénèse jusqu’à ce qu’elle soit remplacée, fin décembre 2011, par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé, établissement public qui gère les risques sanitaires. En France, une meilleure gestion des problèmes commence en général par le changement du nom de la structure chargée jusque là du problème concerné.
Article publié le 9 mars 2015