L’expression médecine factuelle (médecine par les faits) est l’équivalent français de evidence based medicine, ou EBM autrement dit la médecine fondée sur les preuves.
A mon grand désespoir, nombre de médecins traduisent encore EBM par médecine basée sur l’évidence, ce qui me paraît être un contresens. En effet, le mot evidence est un faux ami, puisque, aussi bien en anglais qu’en américain, il signifie preuve. Dans la langue française, quelque chose est évident lorsque l’on sait que c’est vrai sans avoir à le démontrer, ce qui est l’exact opposé d’une preuve, qui permet de démontrer formellement quelque chose.
J.J. Rousseau ouvre son Discours sur l’inégalité par une citation aussi fameuse que provocatrice : « commençons par écarter les faits ! ». C’est la définition en creux de la médecine factuelle, qui consiste à écarter tout ce qui n’est pas un fait établi.
Faire avancer la science médicale
La médecine fondée sur les preuves, ou médecine factuelle constitue la façon actuelle de faire avancer la science médicale. C’est une démarche qui balaie la bibliographie sur un sujet, de manière à voir avec quel niveau de preuves une affirmation peut être considérée comme exacte. Quand on dit, par exemple, que tel nouveau traitement est x% plus efficace que le traitement considéré jusque là comme le meilleur, il faut pouvoir étayer solidement une telle affirmation. Il ne suffit pas de dire : « j’ai essayé tel nouveau traitement, et je peux attester qu’il marche ». Une telle affirmation, autrefois courante, est actuellement complètement discréditée. Les tenants de l’homéopathie sont bien placés pour le savoir, puisque, selon les Académies de Médecine et de Pharmacie, leur discipline préférée ne serait pas plus efficace qu’un placebo, et, à ce titre, devrait ne plus être remboursée.
D'une manière un peu caricaturale, on pourrait définir la médecine factuelle par une expression du genre de celle-ci: "Pas d'opinion: des faits, rien que des faits".
Prenons, entre des milliers possibles, un exemple concret, celui de la récupération postopératoire, que l’on appelle également « réhabilitation ». Pendant des décennies, la façon d’appréhender les soins postopératoires relevait d’une routine apprise pendant les années de formation au métier d’anesthésiste ou de chirurgien, et n’était jamais remise en cause. En soumettant ces pratiques à l’épreuve de la médecine factuelle, on a montré que la plupart d’entre elles n’étaient pas validées ; elles n’étaient justifiées que par l’habitude. On a pu ainsi simplifier les suites opératoires, ce qui a permis l’éclosion de la chirurgie ambulatoire.
Si ces questions de « réhabilitation améliorée » vous intéressent, vous pouvez vous rendre sur le site de l’association GRACE : www.grace-asso.fr.
La médecine n’est pas une science exacte : vérité d’aujourd’hui ; erreur de demain !
Malgré les progrès de la médecine factuelle, la médecine n’est toujours pas, et ne sera jamais, une science exacte. Dans une science « dure », comme la physique, une loi est éternelle, et vaut pour l’ensemble de l’Univers, comme la loi de la gravitation. En revanche, une théorie n’est vraie que tant qu’une autre ne vient pas la contredire. Ainsi, la théorie du « big bang » pourrait être prochainement remplacée par une autre, dans laquelle l’Univers n’aurait ni début ni fin.
Vue comme cela, l'EBM, c'est un peu l'usine à gaz!
La médecine n’est donc pas une science « dure », et les vérités d’un jour peuvent parfaitement être les erreurs du lendemain ; il suffit qu’un essai clinique vienne dire le contraire de ce que l’on croyait être vrai pour tout remettre en question, et susciter de nouveaux essais cliniques pour tenter de trancher. C’est un processus sans fin.
Article publié le 17 février 2014, modifié le 1er avril 2019