Le bloc opératoire est le lieu de toutes les craintes et de nombre de fantasmes.
Mais au fait, pourquoi « bloc » ? Personnellement, je n’ai pas trouvé d’explication. Je note que la dénomination anglaise, operating theaters (théâtre des opérations), correspond probablement mieux à l’idée que les gens se font de cet endroit mystérieux qu’est un bloc opératoire.
Le bloc opératoire désigne la structure architecturale où sont regroupées, que ce soit dans une clinique privée ou un hôpital public, les salles d’opérations où seront réalisées les interventions chirurgicales, et la salle de réveil, que l’on appelle désormais SSPI (Salle de Soins Post Interventionnels).
C’est aussi un monde professionnel à part, un peu replié sur lui-même, dans lequel on n’entre pas facilement.
La fameuse expression « passer sur le billard » viendrait d’une époque assez ancienne où les chirurgiens se rendaient au domicile de leurs riches patients, et les opéraient sur un plan dur disponible, qui était souvent le billard présent dans toutes les bonnes maisons bourgeoises.
Salles d’opération
Le bloc opératoire est donc constitué de plusieurs salles d’opération, soit polyvalentes, soit dédiées à une activité particulière, comme la chirurgie de la cataracte. Certaines salles peuvent être doublées par un sas dit de pré anesthésie, où l’on commence à s’occuper du patient, par exemple en lui mettant en place une voie d’accès veineux ; l’expression consacrée veut que le patient soit ainsi « techniqué » en vue de son intervention. Pour l’intervention elle-même, le patient est placé sur une table d’opération : le fameux billard.
Quand il rentre dans le bloc opératoire, le patient va suivre un parcours, toujours le même pour un même bloc, au cours duquel il va faire connaissance avec les différents professionnels qui y interviennent.
Le personnel soignant du bloc opératoire
Pour faire partie du personnel soignant d’un bloc opératoire, autrement dit pour s’occuper des patients qui y sont pris en charge, la possession d’un diplôme infirmier est indispensable. Pour simplifier l’exposé, nous allons considérer que tout ce personnel est féminin, ce qui n’est d’ailleurs pas loin de la réalité, même si la profession se masculinise.
Parmi ces infirmières qui assistent l’équipe chirurgicale, certaines sont, en outre, titulaires d’un diplôme particulier : les IBODE (Infirmière de Bloc Opératoire Diplômée d’Etat). L’idéal serait que tous les infirmières travaillant au bloc soient IBODE, mais, en pratique, ce n’est jamais le cas, faute de candidates, car l’obtention de ce diplôme demande beaucoup de temps passé dans une école d’IBODE, attenante à un CHU.
Chirurgien orthopédiste en pleine séance de bricolage
Ces collaboratrices directes du chirurgien ont chacune leur tâche : celle qui sert le matériel est la circulante, naguère appelée la panseuse ; celle qui assiste le chirurgien est l’aide opératoire. Certaines interventions lourdes nécessitent le recours à deux aides opératoires. Dans les blocs opératoires importants, notamment au sein des CHU, le rôle de l’aide opératoire est souvent tenu par un chirurgien en formation, interne ou chef de clinique ; dans cette configuration, l’infirmière devient «l’instrumentiste qui passe les instruments à l’opérateur. Dans les mauvaises fictions, on la voit également éponger le front de l’opérateur, en plein effort, ce qui, dans la vraie vie, serait une faute d’asepsie caractérisée.
Autour de l’anesthésiste s’affaire une infirmière spécialisée, que l’on appelle l’IADE (Infirmière Anesthésiste Diplômée d’Etat). Elle a des fonctions assez étendues, notamment dans la surveillance de l’anesthésie.
Mais il y a aussi des agents qui ont en charge le ménage des salles entre deux interventions ; ce sont des ASH (Agent de Service Hospitalier), qui ne sont pas en contact avec les patients.
Personnel médical
Et puis, bien sûr, il y a l’équipe médicale, scindée en deux unités : le médecin anesthésiste d’une part, qui s’occupe de l’anesthésie, et le chirurgien d’autre part, éventuellement doublé par un chirurgien en formation, ou par un chirurgien senior pour des interventions particulièrement complexes. Le chirurgien qui opère est l’opérateur, alors que celui qui aide, même s’il est chirurgien lui-même, est l’aide opératoire.
Anesthésistes et chirurgiens doivent impérativement travailler la main dans la main, en refoulant d’éventuels problèmes d’égo (celui des chirurgiens passe pour être largement surdimensionné).
Quand le patient sort de la salle d’opération pour aller en salle de réveil (SSPI), il fera connaissance avec une autre infirmière, dite de salle de réveil. Puis il retournera dans sa chambre pour y retrouver son lit, à moins qu’il ne passe quelques jours dans l’Unité de Soins Continus, quand il s’agit d’une intervention lourde, ou d’un patient fragile.
Asepsie et stérilité
Tout ce personnel est habillé de tenues spécifiques dites pyjama de bloc, que l’on enfile en arrivant au vestiaire et que l’on quitte en sortant du bloc. De même, tout le monde est chaussé de sabots qui ne sortent pas du bloc. Enfin, chacun porte un masque, non stérile, appelé égalemen tbavette.
Un bloc opératoire ressemble volontiers à une forteresse, dans laquelle on ne rentre qu’en composant un ou plusieurs codes. De ce fait, on ne voit plus jamais, au bloc opératoire, le médecin traitant du patient, comme cela se faisait autrefois.
Tous les intervenants amenés à être en contact avec le champ opératoire (c’est-à-dire la partie du corps du patient qui va faire l’objet du geste chirurgical, laquelle est isolée par des champs stériles), doivent revêtir une tenue stérile (dite blouse ou casaque), et des gants stériles qui seront changés régulièrement pendant l’intervention. Une des erreurs les plus fréquemment commises dans les fictions consiste, pour l’acteur habillé stérilement, à toucher des objets qui ne le sont pas (comme le masque de l’opérateur).
Tout le matériel en contact avec le champ opératoire est stérile. Il peut s’agir de matériel à usage unique, notamment pour ce que l’on appelle le consommable, soit de matériel restérilisé après chaque utilisation, comme les instruments chirurgicaux. La stérilisation du matériel se fait dans un endroit spécifique, appelé tout simplement la stérilisation (la « sté » en abrégé). De plus en plus souvent, cet espace est situé en dehors l’enceinte même du bloc opératoire, voire externalisé en dehors de la structure.
Comportement au bloc opératoire et éléments de langage
En ce qui concerne l’attitude que doit montrer tout ce personnel, il est clair que pour eux, travailler dans une telle structure relève d’un quotidien non anxiogène, alors que pour le patient c’est évidemment une expérience éminemment stressante, surtout si c’est une première fois. Il convient donc de respecter le stress du patient, et de l’aider à le surmonter, notamment par l’usage d’un langage positif, rassurant, comme l’enseigne la technique de la communication thérapeutique.
Il est hors de question de faire participer le patient aux problèmes personnels des soignants ou des médecins, problèmes qui doivent rester au vestiaire. De même, tous les conflits personnels doivent être mis entre parenthèses devant les patients.
Pour les professionnels qui travaillent dans un bloc opératoire, la sécurité des patients est la priorité absolue, et il est d’usage de dire que le modèle à suivre doit être celui de l’aéronautique ; comme chacun le sait, si les accidents d’avion sont toujours spectaculairement dramatiques, l’avion reste cependant le mode de transport le plus sûr.
Article publié le 16 décembre 2013